Parmi les choses que j’aime dans ce coin du monde, il y a … les maisons !
Enfin… les belles maisons ! Car pour être honnête, il y en a une multitude de moches, voire affreuses. Dans la fabrication bon marché, il n’y a aucun style, aucune harmonie architecturale. On marie les matériaux sans goût (grosses pierres irrégulières au rez-de-chaussée et planches fluettes aux étages, entrées de style Tudor ou Nouvelle Orléans devant une sorte de minable pavillon préfabriqué – et on a de la chance si on échappe aux lions de pierre portant un bouclier au début d’une « allée » longue de cinq mètres et large de trois…- ) et les ajoutes ou annexes rattachées au fil des ans sont souvent faites sans aucun souci de les fondre dans le reste et de donner une impression d’équilibre à l’ensemble.
Pour des raisons de terrain plus long que large il n’est pas rare de voir une maison dont le côté fait face à la rue, ce qui lui donne l’air d’un train ou d’une roulotte mal garé. Le manque d’appuis de fenêtres donne un aspect plat et fragile, ce qui correspond à la réalité. A l’intérieur, si on regarde attentivement, des multitudes de petits défauts : angles pas droits, murs irréguliers, plafonds légèrement ondulants.
La maison où je vis est de style « cape Cod », soit, en principe, une maison de bois d’un seul niveau, avec un premier étage mansardé. Une porte au milieu, donnant directement accès à la pièce principale, une fenêtre de chaque côté. Ou, comme c’est le cas pour la nôtre, les deux fenêtres se trouvent du même côté de la porte. Un petit format.
Le lotissement a été défriché entre deux collines en 1952, pour faire des habitations à prix modeste pour les vétérans de la guerre de Corée. A l’époque, elles coûtaient $9.000 ! Une petite cuisine, un living convenable, une petite salle de bain, deux chambres. Un minuscule recoin près de la cuisine pour la chaudière, la machine à laver et le séchoir. Pas de cave, pas de garage, et l’étage mansardé n’était pas habitable : le seul voisin d’origine qui habite encore la maison où il a grandi nous a expliqué qu’il y avait les poutres maîtresses, et un léger recouvrement qui servait de plafond au rez-de-chaussée. On s’y déplaçait en équilibre sur les poutres.
Une pelouse à l’avant et autour, avec un grand chêne rouge ou un érable en bordure de route, pas de trottoirs. Un terrain à l’arrière. De notre côté de la rue, il s’enfonce dans la colline boisée.
Bien sûr, d’année en année, ces maisons ont changé. Le bois a, et c’est bien dommage, fréquemment été remplacé par … du vinyle imitation bois, et les volets par des imitations de volets. Bien souvent on a agrandi la cuisine à l’aide d’une annexe. Et on a ajouté ce qu’on appelle une « sun room » ou, plus sophistiqué : Florida room, une pièce donnant vers l’arrière, très lumineuse, sans chauffage, qui permet de profiter du soleil jusque tard dans la saison. L’étage supérieur a fini par avoir son plancher et son linoléum, remplacé avec le temps par de la moquette ou du parquet flottant. Parfois une seconde salle de bains. Une troisième chambre. Des pièces surélevées. Des garages ont fait leur apparition, mais ils sont peu employés sinon comme remise. D’autres voisins nous ont dit avoir acheté leur maison il y a 37 ans, pour la somme de $30.000. Aujourd’hui on en est à plus de 10 fois cette somme. Pour les critères américains, ce sont des maisons dites « for starters », pour ceux qui achètent leur première maison, n’ont pas d’enfants ou un seul. En effet, une loi au New Jersey exige que les enfants de sexe différents aient chacun leur chambre, même lorsqu’ils sont petits.
Je n’avouerai jamais que j’ai dormi dans une chambre que je partageais avec mon frère pendant des années, sans quoi on soupçonnera mes parents d’une dépravation satanique…
Mais il ne faut pas aller loin pour se rendre compte que les grosses fortunes n’ont pas disparu, et qu’il y a aussi des quartiers avec des maisons de rêve !
Il y a aussi, soyons justes, des maisons de rêve qui, tout simplement, ont eu la chance d’appartenir à la même famille depuis des générations, et ne signifient pas forcément « argent » mais … racines. Comme celles-ci qui se trouvent dans le centre historique de Bloomfield.
Rien de majestueux, mais toute la classe de beaux matériaux, de savoir-faire, d’amour des belles formes. Là, on a de la vraie brique (et pas un recouvrement de quelques millimètres de brique…), du vrai bois – souvent du cèdre – des vraies tuiles.
Et puis, il y a les majestueuses! Une ligne merveilleuse, paisible. Des jardins sans haies, avec de grands rhododendrons et des azalées multicolores en belle saison. Rien de tape à l’œil, juste une sobre élégance.
Et j’admire, j’admire…