Lorsque j’étais au camp de concentration à l’école primaire, pour nous réjouir au cas où la mort aurait voulu de nous un peu tôt on nous disait qu’on serait assises près de Jésus au ciel et qu’on chanterait et prierait pour l’éternité. Je cachais donc soigneusement mon secret: j’avais bien l’intention de ne jamais mourir. Je n’aimais déjà pas prier une heure – chanter ça allait encore mais bon, je n’aimais qu’Il est né le divin enfant – prier pour l’éternité sous la surveillance de Jésus ne me disait rien du tout.
On me le montrait sur la croix, l’air alangui et non pas mort en souffrance. Les joues roses et les yeux clos sur une absence de douleur suspecte. Ou marchant comme un mannequin, vêtu de blanc ou mauve avec des liserés or, les cheveux flottant et luisants comme pour une publicité de shampoing, rose comme un massepain de Noël. Dans mon petit livre de religion il était toujours figé dans une pose théâtrale, avec toge, manteau, des plis harmonieux que seul l’amidon ou un tissu riche et épais peuvent donner, dans des coloris fantaisistes. A part le fait qu’il avait une barbe et pas d’ailes, il était en tous points identique aux anges représentés. Un personnage imaginaire.
Il ne faut pas prendre les enfants pour des idiots. Aucun enfant ne pouvait croire que cet homme pâle qui gardait un bras levé et les doigts féminins joliment inclinés, les pieds propres et les joues colorées était un leader, le fondateur d’une religion, un homme capable de tenir tête, de s’imposer. Ca ne tenait pas debout. Comment cet homme à la peau délicate pouvait-il avoir résisté au diable dans le désert ? Le diable n’est pas n’importe qui. Il est velu, cornu, ses yeux sont jaunes, sa queue fend l’air et est fourchue, il sent mauvais, ricane, a des ongles de mandarin et ses sabots font des étincelles au sol quand il s’impatiente. Et en face de lui, Jésus tout d’or et pastel vêtu, le pied sans cors ni poussière, la barbe peignée lui aurait tenu tête ? Allons donc !
Comment aurait-il pu sauver la femme infidèle de ceux qui, la pierre à la main déjà levée, veulent obtenir justice, cet homme ? Après tout, il s’opposait à une loi qui existait et qui était même considérée loi de Dieu. Il ne contestait pas la loi, ni ne diminuait la faute de la femme, mais subtilement fit remarquer, à des hommes bien-pensants et indignés, que tous nous avons quelque chose à nous reprocher et pourrions aussi tomber sous la loi de Dieu… appliquée par les hommes. Il devait être convainquant, et a sans doute dû calmer son auditoire échaudé quelques fois.
Je préfère de loin le vrai Jésus, l’homme de chair, de sang, de colères, passions, compassions, mission. Sage mais pas naïf. Qui n’est pas mort tout alangui comme si un miracle lui enlevait la douleur et sa laideur, mais le faciès grimaçant, se plaignant bien fort à son père parce qu’il se sent abandonné. Souffrir autant… sans secours… même lui a son moment de fureur. Et il demande à son père, malgré tout, de pardonner à ceux qui ne savent pas ce qu’ils font. Fureur, désespoir, amour. Un homme qui vit sa mort. Un homme torturé, la peau en sueur, le sang engluant son corps, les yeux brûlés par les larmes, la poussière et la peur.
Et puis, Jésus est bien celui qui a chassé les marchands du temple… à coups de fouet ! Pas en leur faisant un sermon, non. Tchac tchac tchac ! Furie. Le fouet qui siffle, qui déchire épidermes et robes, arrache des cris de frayeur et de douleur. Ca fait mal, le fouet. Et il le sait. Il est indigné et sa main administre la morsure sans pitié. Ses cheveux roux, sans doute un peu emmêlés, dansent autour de son visage rougi comme une crinière. Ses mains sont robustes, abîmées – il doit quand même faire autre chose que prêcher pour vivre ! Il a des cals, des coupures. Il pêche, il dépèce, il découpe, il allume des feux… Et dans ce temple profane il crie. Il est hors de lui. Son visage est coloré et ses traits crispés. Celui-là est un leader, un fondateur de religion.
C’est lui aussi qui calme Marthe, son amie pourtant, lorsqu’elle se plaint de ce que sa jeune sœur Marie n’aide pas et l’écoute alors qu’elle, Marthe, se met en quatre pour que tout soit parfait. Il prend le parti de Marie, contre Marthe qui pourtant, connaissant la fascination qu’il exerce sur sa jeune sœur, sait que lui seul pourrait avoir une influence sur la situation. Et lui… Eh bien… il ne la soutient pas, trouvant qu’au fond… la jeune Marie a la meilleure part.
Il aime le vin, aussi, ou tout au moins trouve qu’une noce bien réussie se doit d’être bien arrosée. Il ne vit pas d’air, de pain sec et de prières….
Ah non, le Jésus en pâte d’amande … il ne me disait rien qui vaille….
Je ne suis pas croyant. Qu’il ait chassé les marchands du temple me plait bien, qu’il ait posé des règles : Ne pas tuer, ne pas voler, respecter l’autre, me convient également. Qu’on l’appelle Jésus, Mahomet ou Abraham m’est égal….Par contre que l’on se serve de son image (sous quelque pseudo que se soit) pour faire la guerre et cultiver l’intolérance m’ horripile…c’est grave docteur ? (lol)
Bizzzz
JMB
Je suis bien d’accord avec toi. Je suppose que je suis croyante puisque je crois en « une force supérieure » qui tente de nous rallier ver « le bien ». Que Jésus ait été le fils de Dieu ou qu’il l’ait pensé ne fait aucune différence pour moi puisqu’il a édicté de bons préceptes. Et comme toi… je trouve abominable de prendre la parole d’un prophète pour en faire une déclaration de guerre…
Bizzzzzzz!
C’est comique, moi aussi j’avais l’intention de ne jamais mourir, je pensais que un nouveau médicament miracle serait inventé et je ne me résignais pas du tout, contrairement à mes copines de classe 🙂
Eh éh! Tu vois… Et nous sommes toujours là en tout cas! Ma mère était furieuse parce qu’on nous faisait chanter « au ciel, au ciel au cieeeeeeel, j’irai la voir un jour! » en l’honneur de la Sainte Vierge (qui nous ferait prier aussi tout le temps….) 🙂
Désolé, Edmée; moi je n’aime que les Jésus en miel et pâte d’amande, tous les autres m’indiffèrent, m’horripilent même…
C’est pour mieux te manger, mon Jésus? 😉 Moi aussi j’aime la pasta di mandorle… Mais je préfère les fruits et les petits cochons 🙂
et bien moi je pensais qu’il fallait équilibrer les « forces »
que si dieu existait
le diable aussi (là c’est plus concret hein!!)
donc petite je priais les deux
maintenant je pense que les hommes sont toujours aussi fous
de tuer par bonté d’âme
passons une belle journée
Oui, bien réfléchi! Les enfants sont vraiment moins bêtes que les adultes ne le pensent! Le diable, j’en avais peur et jamais je n’aurais couru vers ce Jésus tout mou pour m’en protéger. Mes grigris – mon chapelet et l’eau bénite – me semblaient plus rassurants contre lui, un peu comme un Dracula qu’on combat avec de l’ail!
Bonne journée à toi aussi!
Superbe écrit, je ne m’en lasse pas!!!!!!!!!
Merci cher Pierrot! Prends donc une autre tranche de la robe de Jésus, c’est du massepain 😉
C’est bien écrit, c’est sûr. C’est drôle, c’est sûr.
Que dieu te garde !
amitiés.
Celui avec le fouet, alors! L’autre, j’ai pas trop confiance!
Bien bel écrit,mais tu vois,j’ai vécu ma jeunesse
avec les soeurs et les curés,ma famille était trés coyante,
et moi aussi,et même encore maintenant ,alors je ne dis
rien …
Je te souhaite une belle et agréable soirée,bisous à toi,
ma belle.
Moi aussi, soeurs et curés, des bons et des mauvais, et surtout beaucoup de très médiocres. Ceci dit… je suis croyante en dépit des images saintes à l’eau de rose et des chipies en cornettes!
Bisous Mimi!
Ah, ha, ça vole superbement!
Je n’ai jamais croqué de Jésus en massepain, non, n’y cru en rien, mais je lisais (au grand bonheur des soeurs) les histoires de la Bible avec un immense plaisir; les mystères de miracles me fascinaient, les personnages devenaient vivants…voilà.
Bon weekend Edmée.
J’adorais l’ancien testament, avec Jézabel, Joseph jeté dans le puits par ses frères, Moise dans son petit panier d’osier… d’autant que c’était la grande époque des films bibliques!!!
Bon dimanche!
Bon début de semaine:-)
Toi aussi… venteux en tout cas!
La bible racontée version Edmée, c’est génial, on dirait une sit-com…surtout l’histoire d’amour de Marie qui en pince pour Jesus…
et le passage sadomaso où Jésus s’arme d’un fouet…
T’as pas peur d’aller rôtit en enfer après tout ça, vilaine fille? 😉
Il doit bien s’amuser. Ca le change de se promener au salon avec ses palmes en chantant des cantiques… 🙂
Et la pluie lol , bises!
Elle a dû partir chez toi car elle n’est plus ici – pour l’instant, car je parie que tu vas me la renvoyer.. 🙂
oui na!;-)
🙂
Moi, enfant, je ne me suis pas trop intéressé au personnage.
D’après la description que tu en fais, on dirait que tu as vraiment rencontré le diable.
Bonne semaine.
Moi il m’intéressait parce que je ne voulais vraiment pas prier et chanter avec lui jusqu’à la fin des temps. Mais j’ai surtout rencontré des diablesses – les « bonnes » soeurs! 🙂