Aujourd’hui est le meilleur endroit dans le temps. Même si aujourd’hui est, peut-être, dans une période de douleur, d’incertitudes. Même si peut-être il y a un mal-être qui le nimbe, ce présent, qui se traîne depuis le passé et, on le sait, nous suivra encore pendant un bon moment au moins dans le futur.
Aujourd’hui est le jour à vivre seconde après seconde.
Nous savons sans aucun doute tout ce qui nous est arrivé. Nous nous retournons et c’est là, le long de cette rivière au débit capricieux, sur les rives frangées de roseaux, de pleurs, de peupliers, de rires joyeux, de nids de poules d’eaux, de fureurs contenues ou libérées, de vols de libellules qui en éraflent délicatement la surface. Nous ne pouvons rien regretter : à quoi bon ? Le courant nous a éloignés de tout ce qui fut familier et nous rapproche d’autres choses inconnues.
Et puis nous n’avons rien perdu : tout ce qui fut nôtre a imprégné notre existence, influencé notre façon d’agir ou réagir. Les belles chaises à dossier brodées au petit point par une patiente aïeule qui nous attendaient dans le salon de la tante Ninette, si elles ont fini aux puces ou dans les mains d’une parente, nous ont néanmoins mérité cette posture droite, et l’injonction « ne gesticule pas sur les vieilles chaises » a à jamais imprimé son écho à notre maintien. Les jeux débridés avec les enfants du voisinage et la tartine au jambon mangée à la cuisine d’une maman à l’accent rocailleux nous ont imposé ce plaisir du partage et des choses miraculeusement savoureuses parce qu’insolites. Et oh! ce sentiment grisant de pénétrer pour un peu dans un monde aux parfums et rituels autres que les nôtres…
Les amitiés évanouies dans les déménagements et changements de décor résonnent encore quelque part en nous : après tout cette petite fille aux genoux râpeux est peut-être devenue une grosse dame étrange comme sa maman et nous n’aurions rien à lui dire aujourd’hui, mais c’est elle qui a semé en nous la chaleur de l’amitié et des secrets confiés en riant derrière des mains pas trop nettes aux ongles rongés.
Les amours maladroites, mal choisies, mal finies, mal enterrées ou enterrées en plusieurs actes ont cessé de faire aussi mal qu’on le croit quand on y repense en buvant une tasse d’amertume : c’est grâce à elles qu’enfin nous avons trouvé la crique où le flux et le reflux nous bercent aujourd’hui : amoureux ou prêts à l’être. Ou désireux de l’être. Ou si bien repus qu’aucun nouvel amour n’est souhaité.
Les tribulations pour marcher en rang, en groupe, bras-dessus bras-dessous ou à prudente distance avec nos semblables sont moins chaotiques. Nous avons appris. Nous nous sommes habitués à boiter, traîner, rompre la cadence, partir en avant alors qu’on nous crie « attends-moi ! » ou nous allonger le long du chemin pour une sieste : il fait trop beau pour courir. Je vous rattraperai.
Demain… on voudrait tous savoir que demain sera le début d’un bonheur ininterrompu que nous avons, pensons-nous, bien mérité par nos souffrances passées. Mais l’expérience devrait pourtant nous dire que c’est une autre utopie et que d’ailleurs nous nous habituerions alors si bien au bonheur que nous ne le reconnaitrions plus comme tel.
Non, c’est bien aujourd’hui qui compte !
Le présent est un cadeau fabuleux, mais oui!
Remarquable incipit à ce billet formidable, un des meilleurs que j’aie lu de toi: » aujourd’hui est le meilleur endroit dans le temps » c’est tellement vrai!
Lire ton billet de bon matin m’a plongée dans une joie émue. Mais c’est bien sûr. Vivre au présent ne signifie pas renier le passé, mais juste savoir qu’il a existé pour nous amener à aujourd’hui! C’est superbe. Et ma grand-mère avait bien raison de me dire: sois heureuse d’avoir des oreilles et des yeux, car chaque jour tu verras ou entendras quelque chose de nouveau qui te fera aimer la vie.
J’aime particulièrement ton avant dernier paragraphe, qui exprime de façon métaphorique combien il est important d’apprendre à vivre à son rythme, sans suivre le troupeau. Un long apprentissage qui ne se fait pas en un jour!
Quelle merveilleuse sagesse optimiste tu nous offres là Edmee…
Je suis fière d’être la première à te le dire.
Oh merci Célestine! Je sais que toi aussi tu connais la valeur d’aujourd’hui, de maintenant. L’aspect précieux que chacune de ces seconde, irremplaçable leçon de vie, possède.
Ta grand mère était bien sage. On avait le temps d’être sage autrefois, maintenant on dirait que saccager le présent de graffiti et de revendications est ce qui a pris le pas.
savoir jouir de chaque seconde de bien être sans trop se préoccuper des souffrances vécues est un fabuleux trésor à prendre avant celles à venir. Qu’il serait donc idiot de ne pas en profiter !
Et ton joli texte fait partie des moments agréables du jour.
Bizzzzzz
Merci mille fois! Toi aussi tu es, je le sais, un positif…
J’aime bien cette citation que j’avais inscrite au début de « Sept oasis des mers ». Je trouve qu’elle résume bien ce que tu écris remarquablement bien. « Nous espérons toujours que quelqu’un détient la réponse. Qu’il existe un endroit meilleur, un moment plus propice. Mais ce n’est pas vrai. Personne d’autre n’a la réponse, aucun endroit n’est meilleur que celui-ci et le moment est déjà passé ». Lao-Tseu. La sagesse ne vient-elle pas des moments en dents de scie?
Oh que c’est bien dit en effet. Et oui, sans souffrances pas de bonheur ou joie. Il faut les deux, mais choisir son camp favori je suppose 😉
Très beau texte Edmée sur le temps qui passe, et Célestine a raison de dire que c’est l’un des plus beaux de ton blog. Le thème est universel ; il parle à tout le monde. Je t’en ai déjà parlé, mais cela me fait penser au livre « Célébration du quotidien » de Colette Nys-Mazure. Alors, profitons de ce bel été ensoleillé… Bon week-end Edmée.
Je célèbre parfois le quotidien avec panache, ha ha ha!
Coucou Edmée !
Hier pas de messagerie, ce devait être saturé !
Oui, vivre au jour le jour, sans oublier hier et les leçons qu’il a données et en prévoyant un minimum pour que demain ne soit pas trop rude : c’est ma vie ! Par contre, dans certaines circonstances, j’ai hate d’être plus vieille : d’une heure, d’un jour ou d’une semaine… car certains jours sont quand-même trop durs à vivre !!!
Gros bisous estivals sans être caniculaires !
Florence
Bien sûr, on se réjouit tous parfois d’arriver à tel moment dans le futur pour une raison précise. C’est normal. Et qui n’a pas eu envie de dormir dormir pour ne se réveiller que lorsque « ce cauchemar sera fini »? Mais on ne compte sur rien de précis. On sait que le futur reste un mystère. Alors la seule réalité… c’est le présent!
Je vois que malgré tout, tu vis ton présent avec les souvenirs heureux du passé… So do I.
Oui, tout ne fait qu’un: le passé et le futur sont part de ce présent, même si nous avons oublié partie de l’un et ignorons tout de l’autre.
Et du passé, il suffit de garder la sagesse acquise et d’éloigner le désagréable d’une chiquenaude, ou de réaliser qu’il y avait même matière à rire!
Oui, c’est le moment présent que nous avons à vivre…Merci de nous le rappeler, nous l’oublions si vite
Moi aussi, souvent! Ceci est mon pense-bête 😉
Très beau texte, inspiré et inspirant. Une philosophie du présent en laquelle je me reconnais, ce qui m’enchante…
Merci
Merci à toi de me lire et de partager la philosophie du présent!
C’est un texte remarquablement écrit. Je constate qu’on te le dit à plusieurs reprises. Tout le monde a des souvenirs, ils ne suffisent ^pas pour écrire. C’est bien, Edmée.
Je t’embrasse.
Merci Maurice. C’est vrai, mais tout le monde ne sait pas écrire et surtout, tout le monde ne se rend pas compte que les souvenirs sont un trésor et qu’ils nourrissent le présent.C’est le fil rouge…
Ce post est magnifique !!!
C’est un thème universel, la sagesse est de vivre en pleine conscience le moment présent et savourer les petits bonheurs de la vie !
Une fois n’est pas coutume, ci-dessous mon poème – L’ île –
J’ai tellement ramé pour atteindre mon île
Fragile, révoltée et souvent indocile
Fuyant les requins insatiables et cupides
Ecoeurée par le prix de leur trésor fétide
J’ai tellement aimé durant ce long voyage
J’ai connu la souffrance et même les naufrages
Albatros malhabile en quête de bonheur
Au courant hostile, j’opposai ma douceur
Enfin dans un lagon au cœur de ma conscience
Aujourd’hui de mon île je goûte la quintessence
Et plongeant dans l’eau pure de la sérénité
J’ ai trouvé mon île, sublunaire, mystérieuse
Ou la vie jaillit dans toute sa beauté
Imparfaite, tendre, unique et précieuse
Ton poème donne la touche finale parfaite à mon message… Il n’est de meilleur lieu qu’aujourd’hui, dans notre île de vie… comme moi je le disais : la crique où le flux et le reflux nous bercent aujourd’hui : amoureux ou prêts à l’être. Ou désireux de l’être. Ou si bien repus qu’aucun nouvel amour n’est souhaité.
Merci Marcelle!
Ton texte est magnifique Edmée, l’été t’inspire-t-il plus qu’une autre saison?
Ces mots de constat qui souvent tranquillisent: « nous avons appris ». Ni regrets, ni remords, ce passé qui embellit le présent, le moment.
Beau weekend à toi!
Je ne sais pas si c’est l’été mais c’est un peu le résultat d’un « travail » intérieur de remise en forme 🙂
Beau week-end à toi aussi!
Pour info : il y a une réponse pour toi dans les coms de mon article d’hier.
Merci! 😉
ce passé qui encombre
que l’on rumine parfois qui sert encore de marche pied
il est là et nous pousse
qu’il ne soit que le tremplin pour le jour qui vient
que la lueur profonde de notre cœur
que le rêve du jour
du jour
« sans passé et sans certitude nous pourrons enfin nous aimer »
amicalement
Merci pour ton ajout si poétique … sans passé et sans certitude… c’est vrai que c’est la bonne façon!
Le présent prépare l’avenir; il faut quand même y penser.
Le passé est dépassé, ça ne sait à rien de se retourner si ce n’est pour éviter les erreurs de ce passé ne se reproduisent.
Seul compte l’instant présent, il faut le vivre pleinement car on ne sait pas ce que demain nous réserve.
Bonne semaine.
Bonne semaine à toi aussi!
Vivre dans le « ici et maintenant », une sage philosophie que j’aime relire, parfois, car les tribulations de la vie ns en éloignent de plus en plus…
C’est vrai, et on nous parle sans cesse de l’avenir, comme si on pouvait le dessiner. On peut prendre des précautions, mais le temps s’amuse beaucoup à faire du futur un long chemin de sable mouvant, et seul le présent est le sol stable sur lequel on doit garder un pied!
Je découvre votre blog, et vos magnifiques articles, à l’occasion du message que vous avez laissé sur le mien, concernant le livre d’Armelle. Je vous en remercie. Vous avez raison : « c’est bien aujourd’hui qui compte ! J’ai appris une chose « agir sur le présent pour qu’il devienne un passé inoubliable » une phrase qui n’est pas de moi, hélas, mais dont j’applique la règle pour finir ma vie au mieux qu’il est possible de le faire.
Merci aussi pour votre visite… Armelle et moi avons bien des points communs, ce qui nous amuse. Mais son écriture est bien supérieure à la mienne, ou en tout cas son langage très mélodieux sans perdre de sa clarté!