Aujourd’hui je vous fais rire. En tout cas c’est mon intention !
Rewind… on remonte le temps fast backward. Et on arrive à mon premier voyage aux USA. Invitée par mon correspondant creek (sud ouest des Etats-Unis, comme les Séminoles) Chester, je me suis décidée. Sereine comme pas deux : voici 6 mois que je suis des cours du soir d’anglais… Et si Chester est un tueur en série, je ne me le demande même pas. Je sais, d’après la photo qu’il m’a envoyée, qu’il doit se vêtir en XXXL et il a insisté pour que de mon côté je ne porte pas de vêtements provocants. Il ne veut pas, m’a-t-il dit, devoir se battre pour me défendre. J’ai donc une garde-robe de pensionnat, et un anglais très basique enseigné par des francophones avec l’accent de Bruxelles.
Arrivée à l’aéroport de Washington, où je devrai changer d’avion puis une autre fois à Denver, je suis tout de suite en full immersion langue et ambiance : des femmes en uniforme, cravatées et souriantes comme des molosses enragés, agitent bourrelets et bâtons en nous criant to the right ! to the right ! to the right ! Nous – les touristes pour la plupart, en nage et le front décomposé par le stress – courrons comme si nous étions dans un boot camp, suivant les signes peu aimables et les aboiements de l’accueil. Nous devons récupérer nos bagages et, si nous continuons le voyage, les réenregistrer. Hop hop hop, haletante je cherche le lieu où je pourrai récupérer ce fameux bagage qu’une des molosses m’a hurlé se trouver um’er foooooor, et demande à un employé – oh ! le sourire de celui-là ! Je me crois dans une comédie musicale, il va me répondre en chantant ou je me trompe, il est noir et aimable et d’une bonne humeur qui parfume tout l’aéroport – comment aller… under floor et il éclate de rire dans un étalage de 58 incisives d’une blancheur sibérienne. Mais pourquoi voulez-vous aller sous le sol ? s’esclaffe-t-il. Oups. Mon bagage se trouvait au guichet numéro 4… Et il n’y a pas de sous-sol, en plus!
Me voici enfin à Oklahoma City. Mon correspondant Chester et sa femme Ruby sont là, attendant depuis deux heures – l’heure de précaution pour être à temps et celle de retard de l’avion. Ils sont fatigués et moi, avec 17 heures de voyage dans le dos, je ne sais plus clairement où je viens de débarquer. On me dirait que je suis sur Saturne que je ne serais pas surprise. Chester me semble encore plus volumineux que prévu. Il me demande si je veux aller au « restroom ». Je m’émerveille intérieurement : qui aurait jamais cru que les Américains étaient assez sophistiqués que pour prévoir dans les aéroports une chambre où se reposer après un long voyage ? Je me vois un peu comme sur le pont d’un paquebot de luxe, lisant un magasine sur une chaise longue en détendant mes jambes indignées, mais je ne veux pas retarder mes hôtes plus longtemps et affirme gaiement que non, je ne suis pas fatiguée et suis restée assise tout le temps. Une lueur de panique traverse leurs yeux mais ils sont polis et camouflent leur envie de me remettre dans le premier vol.
Par la suite, nous rirons de bien des choses et les quiproquos ne manqueront pas, comme lorsque je demanderai, très enjouée, quel est le mot pour « blague », je dis donc – crois dire, plutôt – comment nomme-t-on ces histoires qui font rire ?, mais mon accent impeccable me trahit honteusement et ils sont ahuris que je leur demande le nom des histoires qui font aimer.
Il y eut aussi les autres étonnements. J’ignorais alors que le puritanisme avait survécu et descendait sa herse avec fracas sur toute chose. L’expression épouvantée de Chester et Ruby devant la boite de biscuits que je leur avais apportée, décorée d’un tableau de Delvaux, me frappe encore de stupeur… Chester avait l’air d’un gamin découvrant un Play Boy et s’attendant à la mort comme châtiment. Et non contente de cette lubrique idée, je leur avais aussi offert un petit livre touristique sur Bruxelles où on voyait Manneken Pis et Janneke, ce qui les a fait pâlir de trois teintes au moins. Chester se refusait même à dire le nom du pauvre petit pisseur. Il devait craindre que l’armée de l’inquisition ne déferle dans la maison, armée de fusils mitrailleurs et brandissant des crucifix…. Ils ont dû s’endormir ce soir-là sans être certains qu’ils n’avaient pas ouvert leur porte au vice et à la luxure en personne…
What else is new? On se comprend vraiment très difficilement!
Bon, mais après cela, ils ont dû se rendre compte que tu étais une fille bien !
Je n’en suis pas certaine car ils ont très mal pris le fait que je commande une bière! De l’alcoooooooool! 🙂
Je te trouve en effet bien courageuse d’être ainsi partie à l’aventure. Il est vrai que ce Chester avait -disait-il- une épouse, et était obèse – d’où plus de facilité pour lui échapper…- Je vois d’ici l’ahurissement puritain devant le charmant petit zizi de votre Manneken Pis ! Et l’alcool donc ! Ca m’aurait donné envie de ma saouler et de faire des orgies !
Enfin, nous, vieux pays, vieilles coutumes, savons raison et plaisirs garder.
C’est vrai que si j’y pense je me dis que j’ai pris des risques. Mon père n’était pas trop rassuré… Je dois dire que sur le coup je me suis trouvée tout à fait incapable de me livrer à beuveries et orgies tant ils me considéraient comme une déconcertante anomalie. Pour eux, un verre de bière égale alcoolisme éhonté. Et le pauvre petit zizi de Manneken a dû finir de les convaincre que le vieux monde est Sodome et Gomorrhe! 🙂
Je ne crois pas que tous les amérindiens soient aussi puritains !!!
Là, c’est vrai que tu avais fait fort ! Tu aurais dû te renseigner sur leurs meurs avant d’y aller ! Je crois me souvenir que le roi des Creek était l’Ecossais Mac Gillivray !
Gros bisous et bonne fin de semaine !
Florence
PS Merci pour ton com !
Non, ils ne sont pas tous comme ça, et d’ailleurs… beaucoup boivent 🙂
Mais l’Oklahoma est loin des côtes, loin du monde extérieur. Chester et sa femme étaient « convertis » au baptisme, et très béni-oui-oui, lui surtout. Il méprisait les Amérindiens qui pratiquaient encore leurs propres rituels, bien qu’il m’ait conduite à l’un d’eux, mais visiblement il les jugeait comme inférieurs…
Bisous Florence!
Triste… Par contre les quiproquos linguistiques m’ont bien fait rire!
Oui, c’était dommage, mais la religion avait étendu son aile noire sur eux!
Tu as réussi : ton texte m’a fait rire. Bon week-end Edmée.
Bon week-end à toi aussi cher Petit Belge 🙂 J’en ai fait, des gaffes, hein!
je suis tordue …de rires
merci
🙂
J’aime bien quand tu racontes tes aventures ! On se régale 🙂
Donc, ils ne connaissent pas les bonnes bières belges ( les pauvres) !!!
Tu l’as dit… les pauvres! On ne leur a apporté que les crucifix et pas les cannettes de bière…
Vu de loin, c’est assez drôle en effet..et tu nous racontes tes aventures avec beaucoup de verve
C’est surtout devenu drôle une fois que j’ai tout compris 🙂
Tes quiproquos linguistiques sont délicieux.
Tu as eu une vie mouvementée, Edmée, on dirait toujours que tu nous racontes le dernier roman que tu as lu, genre chroniques d’une jeune fille en fleur…et tout est fort drôle dans ce billet, comme tu nous l’annonce en exergue.
Le puritanisme primaire est assez insupportable, je l’avoue, et il me faudrait bien du courage pour ne pas envoyer bouler tous ces « pregadious » comme on dit chez moi, et qu’on pourrait traduire par « grenouilles de bénitier ». mais quand on est jeune, on a plus de patience, contrairement aux idées reçues.
Je n’étais pas si jeune (passé 45 ans!) mais au fond… je sais que je n’ai pas la vocation d’un apôtre. On croit ce qu’on veut, et je ne me sens pas obligée de m’aligner. Mais jamais je n’aurais imaginé, avec tous les seins au balcon et histoires aux thèmes abominables que l’Amérique nous offre comme image au cinéma, qu’un tableau de Delvaux ou un enfant qui fait pipi pouvaient être aussi paralysants!
bel aprem et oui , je voyage 😉
Bonne soirée…
Ay, ay j’ai bien ri! (et je n’ai pas mal aux dents!!:-))
Le coup du restroom, oui, oui.
Il nous est bien difficile d’imaginer le puritanisme à ce point-là. Ne regardent-ils jamais des œuvres d’art alors? Des statues de nus…oh, là là!
Evidemment ici … on était en Oklahoma, pas vraiment une terre de grande culture. Mais je n’imaginais pas que la nudité d’un tableau puisse les effrayer à ce point, surtout quand on connaît leur goût douteux pour les décolletés immenses …
je n’ai connu les américains sur place qu’à travers les amis de mes amis, alors bien sûr, ce n’étaient pas les mêmes!
En général ceux qui habitent sur les côtes sont plus modernes, les villes sont animées, ils ont des musées, des spectacles, une forme de culture. Mais dans tout ce qu’il y a « entre les côtes »… la distraction c’est l’église et le bowling, aussi… Ouuuuups!
bonne nuit et merci …………