Où ont-ils disparu?

Nos chers disparus, où sont-ils ? Pas sous ces froides dalles que nous fleurissons, pas « au ciel » avec les anges et toute l’imagerie religieuse (à l’école on m’avait dit que quand on mourait on allait prier au ciel avec le Petit Jésus, ce qui ne me disait rien du tout…).

Où sont-ils ?

L’expression « il est mort » résonne comme une pierre qui tombe sur le ciment. C’est … lapidaire ! « Parti là-haut » donne une précision géographique à laquelle on ne peut croire.

Le sourire de ma mère

Depuis que ma Lovely Brunette de mère s’en est allée début 2006, elle insiste à me dire qu’elle est pourtant là.

Elle s’insinue dans mes pensées alors que je me crois absorbée par autre chose. Hop ! Pas si chaude, ton eau ! As-tu bien fermé ta porte à clé ? Parfois une odeur familière me ramène son souvenir avec un bouillonnement de l’âme, elle est là, je le sais, je le sens ! Mais dès que je cherche à identifier l’odeur en question elle s’évanouit derrière les voiles qui se referment sur mon inconscient. Ou bien elle remplace mon vocabulaire par toutes ces expressions farfelues de ma prime enfance ou de la sienne, et qu’elle utilisait à plaisir. Le factileur-marchand-de-beurre pour le facteur. Une pimaison pour une combinaison. Ces mots surgissent de mes lèvres à l’improviste, et je l’entends presque rire, complice. Sur mon visage, le sien se superpose… Pas de doute, on voit que je suis sa fille. Ça nous fait plaisir, à toutes les deux.

Mon Papounet m’aide à raisonner quand je déraisonne, et très étrangement il intervient subtilement dans une dispute familiale : des documents émergent, que l’on ne savait exister, comme s’il nous les  indiquait. Oui, bien sûr, ils étaient là, mais parmi tant d’autres que « tomber dessus » tient de ce qu’on appelle « le coup de bol »… Le bol de mon Papounet est loin d’être ébréché malgré les coups!

Neptune aussi court à mes côtés parfois, comme ce jour où, marchant dans les bois derrière Millie dont la queue proclamait un bonheur délicieux, sa présence m’a emplie de joie. Le temps que je me demande ce qui m’avait fait penser à lui, la communication était coupée, me laissant un peu émue et contente de sa visite.

Quant aux chers disparus que nous avons moins bien connus parce que nous étions absorbés par nous-mêmes quand ils nous côtoyaient, ou trop jeunes pour bien les apprécier, ils ne cessent de nous expliquer ce que nous ne savions pas d’eux. Par des photos, de vieilles lettres, des témoignages d’anciens amis ou parents. Ils prennent forme, relief, couleur… vie. Et parce que nous affrontons nous aussi les choses de la vie qu’ils ont dû surmonter, nous admirons enfin leur ténacité, compatissons à leurs souffrances, et l’affection fleurit comme un champ de coquelicots.

Ah chers disparus qui en savez plus long que nous, qu’il est bon de vous avoir ! Le 2 novembre est votre fête et je vous ai fêtés : vos portraits encadrés sont sortis du tiroir, amenant le plaisir de vous évoquer. Et sur le petit meuble bizarre que j’ai peint en fiesta mexicaine, vous vous teniez côte à côte sur un tissage hopi, éclairés par des flammes abricot qui dansaient avec tendresse dans le cristal de Suède. C’était votre fête, vous étiez mes invités et j’ai célébré ce grand bonheur de vous avoir eus, et de vous avoir encore. Une action de grâces.

 

37 réflexions sur “Où ont-ils disparu?

  1. Angedra dit :

    Croire à l’au-delà, croire au ciel, croire en un Dieu… ou rien de tout cela, est une chose très particulière est intouchable tant que cela n’entrave pas les autres.
    L’important est bien plus dans l’amour que tout cela, croire ou non, peut nous insuffler. Je préfère celui qui met de l’amour dans sa vie que celui qui y met de la colère et de la haine. Alors si la foi donne de la force à l’amour, tant mieux. Si être athée donne la même force, tant mieux.
    Ce que tu ressens avec tes êtres chers disparus, je le connais également. Je n’analyse pas, je prends simplement ces bouffées de bonheur que la vie m’offre au travers d’un mot, d’un parfum, d’un paysage…
    Je me dis alors, que j’ai de la chance (tout comme toi), de ressentir cela. Je pense sincèrement que peu importe au travers de quel filtre notre amour s’est développé si le résultat est là.
    Combien de non croyants vont chaque année « fêter » leurs disparus, leur parler, les fleurir… et disent qu’il n’y a rien après la vie. Alors pourquoi faire cela sur les tombes qui ne sont rien d’autres que de la pierre, de la terre, de la poussière…
    Ils ne voient pas, n’entendent pas…il n’y a plus rien. Inutile toutes ces manifestations, non !

    • Edmée dit :

      Tu as bien raison; et je n’avais pas pensé à cet aspect : en effet, si on pense qu’il ne reste rien, on ne vénère que la tradition, on montre « aux autres »… qu’on agit bien 🙂

      Je ne veux rien imposer non plus, chacun croit ce qu’il lui est donné de croire. Mais comme tu dis… l’amour est un prodige et une source de grande vie…

  2. gazou dit :

    Chers disparus…bien sûr, nous restons reliés…et chacun a sa façon personnelle de les fêter, au cimetière ou à la maison ou ailleurs

  3. Florence dit :

    C’est vrai Edmée, tous les disparus, qu’ils nous soient chers ou pas, ne meurent pas tant que quelqu’un pense à eux. Nous les faisons revivre à volonté et effectivement, nous entendons leur voix, nous percevons leur odeur… des expressions nous reviennent sans arrêt, et comme tu le dis, nous suivons encore leurs conseils… Moi aussi je vis avec eux par la pensée, mais, à mon avis, c’est moi qui ne les quitte pas et non l’inverse.
    C’est la Toussaint chère Edmée : chez toi avec nos disparus et chez moi avec les Chrysanthèmes et les cucurbitacées…
    Par contre, cette année, alors que j’étais pourtant de sortie lundi, je ne suis pas rentrée dans un cimetière, l’occasion ne s’est pas présentée. J’aurait aimé trouver sur mon chemin, un charmant cimetière blotti dans le sein d’une jolie église de campagne. J’ai vu des églises mais pas de tombes…
    Je te souhaite une bonne fin de semaine, nous sommes déjà mercredi ! Mes 4 bises bretonnes chère Edmée !
    Florence

    • Edmée dit :

      J’ai été visiter un magnifique cimetière liégeois, avec des tombes superbes donc une seule je crois a un lien avec moi. Loin dans le temps. Mais j’y ai trouvé bien du calme, et de petits éclats de vies…

      Bises liégeoises, chère Florence!

  4. Armelle B. dit :

    Très belle évocation de vos disparus, chère Edmée. Nous avons eu la même idée de les évoquer avec tendresse.

  5. Un texte qui procure un bien fou en ces jours assez tristounets. Parfois, oui, on doute, mais de telles phrases nous réconfortent et nous laissent croire que nous avons raison de penser que nos chers disparus ne nous quittent pas.

    • Edmée dit :

      Je me souviens qu’une amie plus âgée que moi me l’avait dit, elle me disait sentir sa mère près d’elle. A l’époque j’ai non pas vraiment douté; mais conclu que c’était « son impression à elle ». Or la même chose, je dois l’avouer, m’arrive bien des années après elle…

  6. Colo dit :

    Ces disparus qui surgissent à l’improviste, nous entourent, nous font rire ou nous conseillent, tu les évoques si joliment.
    Si l’enveloppe charnelle disparaît, il reste tant et tant de choses…

  7. claudecolson dit :

    Pour toi, comme pour beaucoup, ce n’est certes pas un devoir mais plutôt une « nécessité » de mémoire. Tu leur a fait une bien belle fête ; ils t’en savent gré.

  8. Pâques dit :

    J’aime beaucoup ton billet, il n’est pas triste, il est réconfortant !
    Ma cousine qui a été orpheline très jeune, me ra contait aussi que souvent elle avait ressenti cette présence, ce soutien quand elle avait besoin d’aide …

    • Edmée dit :

      Bien sûr chacun ses possibilités ou envies de croire à une chose ou l’autre, et loin de moi le besoin de « convertir ». Mais voilà, c’est ainsi que moi je vis ces manques, qui sont devenus des présences, ou l’ont toujours été…

  9. celestine dit :

    Tu sais combien ton billet me parle…Il m’aide à entrer dans cette communication particulière avec mon père, et je sens souvent son âme flotter dans la maison ces jours-ci où je suis retournée là-bas.
    Merci Edmée pour dire les choses avec cette douceur pas triste.
    Ça fait du bien ! 😉
    Baci sorella
    ¸¸.•*¨*• ☆

    • Edmée dit :

      Oui j’imagine qu’il te parle, ce billet… et aussi que tu sais bien de quoi il parle… Tout près, tout près, on chuchote encore et on rit doucement…

  10. Beau texte, émouvant. Rien à dire. Tous ceux que nous avons connus et qui sont partis nous ont laissé quelque chose. Nous leur devons une part de nous-même. Ils sont donc toujours là, quelque part, dans notre mémoire et dans nos gestes. Cela doit être cela l’immortalité.

  11. laurehadrien dit :

    Les disparus vivent en nous, et nous continuerons à vivre au travers de nos proches. Je reconnais déjà mon visage et mes gestes dans ceux de mes enfants…

    • Edmée dit :

      Oui, ça aussi c’est une grâce… J’ai découvert « sur le tard » avoir une particularité des muscles de la bouche (qui donne un certain pli à mon sourire) identique à une cousine germaine de mon père aujourd’hui décédée. Aucune idée de quel ancêtre commun nous a donné ça, mais c’est, quelque part, une stupéfiante leçon d’éternité…

  12. blogadrienne dit :

    oh oui, ils sont là, bien là, avec leurs petits mots, leurs petites phrases, des tas de détails qui ramènent nos pensées vers eux!

  13. sandrinelag dit :

    Ils vivent en nous, par nous et nous exhortent, par leur absence physique, à aimer la vie jusqu’au dernier souffle terrestre.
    Puis changement d’état, passage un peu délicat d’un monde à un autre, retrouvailles de ceux qui nous ont précédés, joie, papotages, rires, évidence et vérité…
    Puis on continue ensemble une autre vie sur un autre plan, on se sépare s’il le faut, on visite les coeurs de ceux qu’on a laissés sur terre, on voyage entre les différents plans… Chacun, à coup sûr, a une tâche bien précise sur terre et ailleurs.
    Nos petites cartographies personnelles sont infinies…
    Les disparus ne disparaissent jamais vraiment. 😉

    • Edmée dit :

      Je n’ai aucune idée de ce qui se passe après, mais pour avoir vu plusieurs personnes s’approcher de la mort avec une consciente sérénité qu’on n’attendait pas (après une phase de lutte pour certains), je me dis qu’ils savaient quelque chose, déjà. Et bien entendu, je compte sur mon comité d’accueil 🙂

  14. Edmée, comme j’apprécie ce bel hommage que tu rends à tes chers disparus. Tes mots sont l’écho de mon cœur et de mes souvenirs. Sans chichis, sobrement tu les as faits revivre le temps d’une journée et pour nous tous. Ils sont nos racines et ils vivent en nous. C’est vrai que parfois nos traits se superposent aux leurs, on en éprouve alors une certaine fierté. Merci pour eux.

    • Edmée dit :

      Oui, je suis contente de voir ma mère me sourire sur mon propre visage… ou d’y retrouver les pommette de ma grand-mère. On est fières, en effet!

  15. Alainx dit :

    Ils sont morts. Ils n’ont pas disparu. Au contraire, ils sont venus s’installer en nous tranquilles et peinards, au fond de nos mémoires, dans notre psychisme. Et là ils continuent d’être éternellement. Pas besoin de religion ou de croyance pour ça. C’est juste la réalité du commun des mortels vivants. Même ceux que nous n’avons pas connus du temps où ils avaient des os et de la chair, ils sont là aussi. Il suffit que d’autres de notre lignée en face mémoire. Alors ils apparaissent à notre intériorité de manière singulière.
    Le patrimoine génétique est une transmission sans discontinuité… reste à savoir si aujourd’hui c’est une bonne chose d’aller tripoter dedans… mais ce serait un autre débat

    Comme toi, et pour ma part c’est plutôt mon père, il surgit en moi au moins une fois par jour, si ce n’est plus. C’est comme ça. C’est bienfaisant. C’est même parfois très joyeux. Je ne vois pas pourquoi je ferai un geste d’agacement de la main en disant : tire toi !
    Au contraire, il m’enseigne de l’intérieur depuis plus de 25 ans. je n’ai qu’un seul regret parfois qui s’exprime ainsi : bon sang ! si j’avais pu comprendre ça plus tôt, quand il était vibrant ! Tiens, justement, hier, c’était l’anniversaire de sa naissance avec des os et de la chair. Il aurait aujourd’hui 105 ans dans cette forme de vie là.

    • Edmée dit :

      Quel magnifique commentaire, complet et qui donne un autre éclairage aussi… Ma mère est devenue plus contenue dans son langage, je pense qu’elle s’en veut de s’être parfois lâchée, et pense que ce n’est pas ladylike, et pas un bon exemple pour moi 🙂

  16. anne7500 dit :

    Tendresse, reconnaissance, nostalgie… comme tout cela est finement exprimé ! Merci, Edmée.

  17. Françoise dit :

    Bien sûr que nos chers disparus sont toujours là, ils se manifestent de temps en temps, selon leur envie, ou bien s’ils sentent que l’on a besoin d’eux. Ils sont toujours là car nous les portons en nous, dans notre mémoire, nos cellules. Ils sont en nous. Pour moi, c’est parfois par des odeurs qu’ils se manifestent. Le tabac pour mon frère, le parfum de violette pour ma mère…
    Un très joli billet, Edmée. Merci. 🙂

    • Edmée dit :

      Moi il y a quelqu’un qui fume souvent près de moi, mais je ne sais pas qui… 🙂 Ca fait des années maintenant, et il n’y a que l’odeur de la cigarette. Mais comme c’est certainement bienveillant, j’accueille 🙂

  18. Margaret de Brouwer dit :

    beau!

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