Et de le faire claquer parfois, comme un fouet ou un lasso…
Je pense à ces hommes dont l’âge et le tracé ont fait un père, un grand-père, peut-être aussi le mari d’une dame qui se fragilise ou pas, qui a fait « rythme commun » avec eux ou pas. Et qui sont toutes ces choses, mais surtout, ô surtout… pas seulement ça.
Ils restent, avant tout, eux-mêmes, ont des zones indomptables, inviolables. Ils continuent de célébrer la beauté des femmes, qu’il n’y a pas d’âge pour caresser du regard et des souvenirs. Ils persistent à aimer la bière qui les aime de moins en moins. Ils s’obstinent à en faire un peu trop, pour le plaisir de sentir qu’ils le peuvent encore. Ils partent jouer au golf sous la pluie, écrivent un texte – dont ils refusent de parler – jusque tard dans la nuit, décident d’acheter un vélo électrique, se ruent sur le monde illimité de la nouvelle technologie qu’ils se font expliquer avec confiance. Répondent sans arrogance « parce que j’ai envie » ou « ça ne te regarde pas ». Ils continuent d’abriter en eux le pétulant garçon qu’ils furent, et qui lui, n’est pas un père ou un grand-père, ni le mari d’une dame de leur génération. Ils ont une part d’eux qui est eux seuls, celui qui était en devenir au début de leur vie et qui est devenu. Et qui reste. Et qui revendique, avec fermeté, des espaces sans enfants, petits-enfants et épouse ou compagne.
Je pense également à ces femmes qui, de leur côté, sont devenues mères, grands-mères, papier buvard de tous les soucis de la progéniture, qui ont consolé, prêté ou donné l’argent qui sauvait, conseillé, raconté tu sais moi aussi… Et qui, à l’âge où la vie ralentit – ce que les sages acceptent et savourent -, imposent leur grain de folie, de non-sens, de résurrection après toutes ces années employées à préparer les leurs au bonheur.
Ce qui était leur « hobby », cet élégant passe-temps, a enfin la place pour être un art. Elles photographient, peignent, écrivent, apprennent à bricoler et décorer, vont dans un chorale, découvrent qu’elles ont des opinions bien trempées, n’ont plus peur des quatre vérités assénées avec tranquillité à mari, fratrie et parfois enfants. Ces vérités qui remettent la vie dans le bon sens. L’espace pour être elles, elles s’y promènent à bras déployés, en tournoyant sous le soleil de cette vie enfin toute à elles.
« Maman – ou Bonne-Maman – ne veut pas passer de vacances familiales cette année, mais a décidé de partir chez sa vieille amie de pension pour deux semaine… tu imagines ça ? Qu’est-ce qui lui prend ? Et elle a poussé Papa (ou Bon-Papa) à s’en aller voir son cousin en Argentine. Un voyage pareil à son âge… et elle lui dit que justement, à son âge il est enfin libre d’en profiter ! Et quand on discute, elle rit et dit j’ai déjà donné comme si on demandait la charité. Et nous alors, les vacances en famille dans la maison de notre enfance, hein ? »
L’âge ne donne pas de droits sur nous, mais nous donne des droits. A nous de les prendre.
Et parce que mes parents ont été de bons parents mais n’ont pas voulu élever des sangsues et se complaire dans des inter-dépendances, mais plutôt dans des échanges sensés, j’ai eu bien du bonheur de voir mon papa rester « un homme » jusqu’à la fin, un homme qui programmait ses vacances de son côté, aimait son indépendance et ne se sentait pas obligé d’être un papa et grand-père tout à notre disposition et full-time. Ainsi le temps que l’on passait ensemble n’en était que meilleur, en toute liberté et disponibilité. Je n’ai pas vu mes parents comme « des vieux » parce qu’ils sont aussi restés jaloux de leur indépendance, de leurs caractéristiques, et de leur temps.
Ils ont vieilli, mais ne sont jamais devenus vieux.
Ils étaient eux, et accessoirement aussi, mes parents. Sans fils à la patte qui ne soient très élastiques et même… de plus en plus absents. Des êtres libres qui n’ont accepté que les contraintes inévitables et honorables, et puis ont revendiqué leur espace pour… continuer à grandir, après qu’ils nous aient mis sur les rails nous aussi. Leurs enfants… libres et libérateurs.
Très beau texte sur l’âge mûr !
Merci 🙂
Un texte si juste, si vrai que je partage pleinement. « Des êtres libres et libérateurs », on les souhaiterait tous ainsi ceux que l’on aime, qui nous entourent et ceux même que l’on ne connaît pas.
Oui… alors qu’il y a des ces enfants crampons qui emprisonnent leurs parents dans le rôle de pépé et mémé. Bien sûr… les parents ont dressé eux-mêmes les barreaux de la cage 😀
exactement, c’est merveilleusement dit, nous sommes des poupées gigognes et même si la dernière ressemble à un santon, la plus petite existe toujours, frémissante, à l’intérieur
Et libre, en tout cas elle le désire!
Un texte qui m’interpelle. Ton analyse est tellement vraie et proche de la réalité. En plein dans le mille. Bon jeudi Edmée.
Merci Charef et bon… Vendredi! Tu m’as fait peur, mon planning était tout chamboulé 😀
J’ai une journée de retard. Je ne suis pas encore sorti de mon antre. Rires. Bon Vendredi Edmée.
Que c’est bien, oui…Surtout quand on a dénoué l’embrouillamini de son propre fil et que la maturité sereine nous cueille au coin d’un matin, comme une grâce.
Oh comme j’aime ce billet à épingler sur mon frigo pour les jours où la vie m’empêcherait de suivre mon fil de soie…
Baci bella ragazza
C’est un bonheur de te lire ce matin.
¸¸.•*¨*• ☆
❤ Je me rends compte de combien les chaînes pèsent plus avec l'âge. Je vois des proches devenir vieux au service d'enfants vampires (ou conjoints vampires aussi 😉 ) qui ne leur lâchent pas les baskets, et pensent que leur seule passion dans la vie est d'être leurs parents et les grands-parents de ces petiots "qu'ils leur ont donné"… Comme si eux devaient disparaître pour devenir "au service et à la dévotion de nous"… 🙂
Un très beau texte sur la liberté et la beauté du temps qui passe. La vie n’est pas qu’une vallée de larmes, c’est aussi un terrain d’exploration, fabuleux, pour qui sait être curieux et libéré de la peur de tout.
La liberté n’a aucun poids, et on peut la prendre par brassées, il est plus que temps…
Comme j’aurais aimé que mes parents fussent ainsi…libres et libérateurs; mais voilà, comme tu dis souvent, à chacun son bagage et à soi de s’envoler.
Les portraits que tu fais, homme et femme à l’âge mur et/ou vieux, sont des plus positifs et encourageants, merci!
Mes parents n’étaient pas parfaits, ils m’ont aussi « imposé » des choses qui ont pesé : le mariage, le remariage même, des études qui ne m’attiraient pas particulièrement… mais je me souviens d’un jour où, âgée de 24 ans, j’ai dit à mon père « maintenant je n’obéirai plus, je ferai mes propres erreurs et pas les vôtres », et aussi que malgré tout ils ont aimé mener leur barque bien ou mal mais sans se sentir obligés de nous servir d’exemple.
Tous indépendants et tous ayant pris la liberté comme moto!
Ne pas attendre qu’il soit trop tard pour être libre… Mais il y a tellement de façons d’être libre !
Libre et partir en déployant ses ailes
Libre et rester en se coupant les ailes
Libre de choisir c’est surtout cela la plus belle liberté…
Pourtant cette liberté, beaucoup n’ont jamais osé la prendre, ils en rêvent parfois mais jamais plus.
Je ne crois pas que la liberté puisse s’apprendre, c’est un état que nous avons en nous ou pas…
Encore un texte qui est un beau sujet de réflexion
Tu as raison, Angedra, on a le choix et parfois on choisit de refermer la cage sur soi, de se coupe les ailes… et on maudit l’amertume de la vie, parce qu’on n’a pas su cueillir sa liberté…
Ou on ne s’y est pas préparé et on croit qu’on est plus tranquille dans la cage… parce qu’on sait « ce qu’on a et pas ce qu’on trouverait si… »
Tellement vrai et justement dépeint. Et positif. Amertume aucune. Que du contraire. Une fois de plus, tu irradies, Edmée. Vive ta lumière, la lune et le soleil (allo Freud ? ) : je ne me lasse pas de te croiser. Sourire. Reconnaissance. Belle la vie.
Merci pour ton enthousiasme !
Oui, belle, la vie!
Thanks so much to you, bellissima ! Dis, je ne trouve plus le « clic » à faire pour recevoir une alerte quand un nouveau commentaire est posté. L’avais fait pour article précédent, pour celui-ci , I don’t find it.
Eh bien je t’avoue que je ne sais pas, ne fréquentant pas mon site en tant qu’outsider… Or je n’ai rien changé dans les settings… Sorry!
Rester libre et ne pas se laisser enfermer dans un rôle, oui, c’est un défi de tous les jours dans un couple, dans une famille.
« Ils ont vieilli, mais ne sont jamais devenus vieux. » Quel magnifique compliment à tes parents ! Et je parie que ce sera vrai pour toi aussi, Edmée.
Eh bien je l’espère… et j’ai la chance d’avoir farouchement refusé les rôles, et de n’en avoir pas exigé.
Très joli et aussi très juste ce que tu dis, Edmée. On a trop figé les rapports, grand-père, père, enfant ou m^me grand-mère, mère, enfant, alors que chaque être a ses droits comme ses obligations. Il n’y a aucune raison pour qu’on exige de l’un ce qui revient à l’autre. Il faut se garder de perdre ses privilèges pour une espèce d’habitude innée et qui se transforme en obligations parentales qui n’a aucun sens. C’est bien de mettre les choses à plat, une fois pour toute.
Merci Edmée, je te sais gré, de secouer ce cocotier familial.
Mais surtout ça me bouscule de voir la définitions de gens comme : c’est un vieux grand-père, c’est une mère de famille. Ça, c’est en fait accessoire. Il s’agit d’un homme de … ans, un ancien ingénieur, ou un journaliste encore en fonction. Et d’une femme au caractère fantasque, grande et souriante. Ou grincheuse.
Je pense qu’avoir une progéniture peut être un plaisir (pas toujours d’ailleurs) mais que ce n’est pas ça qui définit les gens, et ça ne devrait pas les enfermer dans ce rôle … d’obligations, comme tu dis si justement!
ma grand-mère m’a dit un jour que « dans sa tête » elle avait toujours le même âge, impossible à définir par un chiffre, donc j’ai compris qu’elle voulait dire que « dans sa tête » elle était aussi encore la jeune fille, la jeune femme qu’elle avait été…
Une expression qui parle fort. Je pourrais dire la même chose. C’est d’ailleurs une des choses difficiles dans le fait de prendre de l’âge, c’est que ce qu’on est dedans ne va plus avec ce qu’on est dehors 😀
Mais sentir qu’on est soi est une merveille.Donne une solidité qu’on n’imagine pas quand, au contraire, on a accepté l’enfermement d’un rôle qui va avec « notre âge » (m’enfinnnnnnnn, à ton âge!!! 😀 )
Coucou. Quand je vois ma mère qui pendant des années a élevé ses enfants et travaillé inlassablement avec son mari! Maintenant elle déroule le fil de sa vie, demande de l’autonomie, fait des choses pour elle, pense à elle! Et qui s’en plaint?! Sa super belle-fille adorée qui se dit féministe et qui s’insurge parce que belle-maman n’est pas venue à une fête de famille organisée à l’arrache. Elle avait déjà quelque chose de programmé. Comme quoi, les préjugés et les jugements hâtifs sont toujours en cours, même chez les femmes qui se disent ouvertes d’esprit. Chère belle-soeur, je te salue bien bas! :-))
Bises alpines.
Féministe pour elle, j’imagine, pour avoir de l’espace pour elle. Mais belle-maman est plus à sa place aux fêtes de famille qu’elle impose ou suggère, je vois… Comment ose-t-elle avoir une vie privée, d’autres choses à faire?
🙂
Bises liégeoises!
C’est un beau texte, très joyeux et optimiste !!!
🙂
A méditer, très certainement. Un très beau texte qui envoie balader bien des idées étouffantes. Gardons notre liberté, en effet.
Je suis horrifiée devant ces gens qui, alors qu’ils auraient enfin le temps d’être eux, sont catalogués en pépé et mémé, avec toute la complicité de leur progéniture qui ne veut pas les voir autrement.
Ne parlons pas de si pépé ou mémé perd son compagnon et tombe amoureux, là c’est la lapidation et la menace du home tout de suite…
Beau texte. Quand mes parents sont enfin devenus libres, la mort les a emportés à juste 70 ans.
Ça c’est amer, comme conclusion… 😦
On peut être des grand-parents attentifs et chaleureux et cependant « dérouler son propre fil » comme tu dis », avoir des projets personnels et désirer les mener jusqu’au bout…Mes enfants et petits enfants nous demandent toujours s’ils peuvent venir tel jour, si nous sommes libres
Mais tout à fait, ma mère adorait recevoir ses petits-enfants, faisait des herbiers, composait des histoires etc, avec eux, mais ils venaient quand ça lui allait, et donc elle se faisait une joie.
Pareil pour Papounet qui réunissait à ses frais toute sa tribu une semaine dans un gite, et lui se reposait, se faisait gâter, on lui cuisinait ce qu’il aimait, on respectait ses siestes, on lui donnait de la solitude et la meilleure chambre, et c’était merveilleux. On n’aurait pas songé lui imposer quoi que ce soit ou dire qu’il « devrait être bien content d’avoir une telle tribu ». Il n’avait pas honte de partir se coucher tôt car nous chahutions, et de dire qu’il ne savait pas encore ce qu’il ferait ou pas avec nous le lendemain…
Cela doit être sympa aussi de le dérouler à deux, l’un tenant l’écheveau et l’autre la pelote : « tu te souviens… »
Bonne nuit chère Edmée avec mes 4 bises bretonnes !
Florence
Oui bien sûr, mais chacun est soi, j’espère 🙂
Bises liégeoises – dans le brouillard!
Pas forcément, car à force d’être complices, de vivre en duo bien soudé, etc… on ne peut même plus envisager de ne pas être ensemble pour tout faire, on a déteint l’un sur l’autre, on fini par se ressembler, on ne forme qu’un seul être : notre couple.
4 bises bretonnes chère Edmée !
Florence
(Ici aussi c’est le mauvais temps !)
Très bien dit ! Quand les enfants sont élevés et volent de leurs propres ailes, et en plus lorsqu’on les sent heureux, on peut à nouveau penser à soi et se faire des projets à deux, et aussi à un (ou une) ! 🙂
Aussi à une, oui, ce qui est mon cas. Mais je déplore un peu de voir certaines connaissances n’ayant jamais émergé de leur « devoir » de maman ou d’épouse qui plongent maintenant dans le devoir d’être grand-mère… disparaissant de plus en plus.
« Enfin seuls », on le ressent parfois en toute légitimité!