Il fut un temps où porter une fourrure était à la fois signe de statut social et… d’élégance. Alors on ne savait pas que des animaux étaient en voie de disparition, et il ne serait venu à personne d’imaginer un animal dénudé de sa pelisse, la peau dégoulinant de sang, tout ça pour la « vanité d’une riche bitch ».
Bien des époques furent, et qui revisitées de nos jours par des auto-proclamés juges moralisateurs qui ne raisonnent qu’avec une étroitesse d’esprit stupéfiante, sont devenues le témoignage évident de la bassesse crasse du genre humain. Heureusement, soyons rassurés, les redresseurs et redresseuses de tort d’aujourd’hui font mieux dans tous les domaines.
Je n’explorerai pas ces domaines et m’en reviens à mon loup dans l’armoire…
Lovely Brunette avait été la petite chérie de « Bonne », sa grand-mère Justine, plus séduite par une petite-fille cajoleuse que par ses deux petit-fils. Je la comprends (et je ne dirai pas pourquoi, si la curiosité vous titille il vous faudra la dompter, car je ne veux pas finir mon existence en duels et joutes de style présidentielles). Bref, Bonne était l’incarnation de la délicieuse mère-grand. Je l’ai encore « connue » (si on peut dire…) et ai un très vague souvenir d’elle me faisant osciller sur ses genoux.
Lorsque Bonne est décédée, Lovely Brunette a repris « le Saint Bonhomme » déjà évoqué, qui se trouvait en bas de l’escalier grand maternel, et … son loup. Un grand manteau de loup noir de Russie (que personne ne me dénonce, surtout !), aux longs poils. Il était déjà démodé depuis belle lurette, et perdait ses poils comme un grand chien fou pas peigné. On l’avait remisé dans une grande armoire d’acajou du grand grenier, où il se pelait année après année dans la paix de l’obscurité. Il y était en guerrière compagnie car nous avions encore des munitions et grenades entreposées dans les tiroirs inférieurs, comme bien des voisins je pense. Parfois je le mettais, il trainait jusqu’au plancher, et je m’imaginais non pas en riche douairière mais en loup aux yeux jaunes, ne craignant ni la neige ni le blizzard, roi des forêts, furtif et implacable…
Je ne sais pas du tout ce que sont devenus le loup et l’arsenal, mais je peux vous dire une chose : ce pauvre loup aurait certes mérité de finir sa vie de loup avec toute la grandeur et l’appétit qu’on imagine, mais à ma façon, je lui ai rendu hommage bien des fois. J’espère qu’il m’en sera reconnaissant le jour où, si un jour, qui sait…

Bel article !
Merci Alain 🙂
Il n’y a à ma connaissance que les grands-mères aptes à parler du loup sans parler a côté
Depuis que le poil est devenu rasoir et que les chats se tatouent on a pu de veillées ni de conteuses
Merci Edmée pour ce billet doux…
Alain
😉 Les mères-grands étaient des femmes délicieuses qui savaient, du loup, faire une peau d’agneau…
Oh oui…
Gardons nos souvenirs à la lumière du passé. Laissons les moralisateurs trouver ainsi leur besoin d’exister en pointant leur doigt accusateur… demain ils seront jugés à leur tour.
Ce manteau nous offre un très joli texte nous faisant profiter de ton imagination mais également d’un beau passage d’amour entre générations.
Merci pour ton bon sens 🙂 Ce loup, au fond, il a fait le bonheur d’une dame et de deux fillettes, c’est bien pour un loup, non?
Ah les souvenirs pour le moment j’avoue que je me noie dedans, je continue d’évacuer l’appart de mes parents et je dois dire que …
Ah là… je sais, c’est toute une vie – si pas deux ou trois – qui remonte en parade 😀
Oh merci, des tas de souvenirs remontent à te lire mais aussi la photo ! Ma grand-mère me rappelait toujours que les maisons, et partout il faisait froid et que ces peaux d’animaux n’étaient pas du superflu:-)
C’est vrai! On ne chauffait que certaines pièces, et les voitures n’étaient pas chauffées non plus. Evidemment on a les polaires maintenant, mais je doute vraiment que les Inuits les préfèrent aux peaux 🙂
j’adore! tu m’as bien fait rire et c’est tellement reconnaissable! ma grand-mère avait des fourrures et ma mère, à la fin du 20e siècle, a commencé à hésiter à mettre encore son vison-pleine-peau ahlala! vanitas vanitatis, puis elle a conclu que ces bêtes étaient mortes, de toute façon 😉
Mais voilà… et elles faisaient encore envie, ces pauvres bêtes, et tenaient chaud, et certainement avaient une vie plus longue que les chançardes qui avaient échappé aux trappes et chasseurs 🙂
Bon. Ce qu’il faut se dire, c’est que ce pauvre loup a quand même vécu de superbes aventures que d’autres loups n’auront pas vécues. Ma grand-mère avait une écharpe en fourrure. Mais elle me dégoûtait (pas ma grand-mère!) car il y avait encore les pattes de la bestiole. Il me semble que c’était une belette. Aujourd’hui, on ne peut plus porter cela. Je pense que ma mère en a hérité et peut-être qu’un jour, je vais retrouver la fameuse belette dans une armoire. 😉 Bises alpines.
Oh ciel, oui, les pauvres belettes avec les yeux et un faux nez, et leurs petits ongles… J’ai ainsi retrouvé l’hermine de Justine aussi, mais comme toi, ça me dégoûtait, ces petits doigts! Ceci dit… je l’ai caressée avec respect car elle était d’une douceur… 🙂
Bises très venteuses de Liège
Pauvre loup qui n’avait même pas mangé la mère grand et qui a fini mangé par des mites.
Vrai, il était bien mité et empestait la naphtaline – en vain 😀
Tristes fins de loups ! Prisés des fourreurs, chassés pour leurs peaux ; pas de pot !
Celui de Tex Avery a échappé aux massacres.
Ah ce grand méchant loup-là était aussi un vrai charmeur, tiré à 4 épingles et habile coureur!
Il y a longtemps pour un Noël ma belle mère m’avait offert un vison. D’occasion quand même, elle était bénévole chez Emmaüs. Je l’ai porté une fois par amitié pour elle, et depuis il est resté dans l’armoire dans sa petite housse et je ne sais qu’en faire… Dans l’armoire de ma mère il y en a un aussi et j’ai le même problème. C’est son amoureux qui lui avait offert, je ne peux me résoudre à le donner.
C’est difficile. Ce sont des histoires, des hommages importants. Je crois qu’il faut les prendre ainsi : des démonstrations d’amour. Maintenant… les histoires des autres ne doivent pas devenir notre devoir malgré tout, j’ai jeté une lettre d’amour magnifique que ma mère avait gardée jusqu’au bout, je l’ai lue, étonnée, ai compris « des choses » et puis l’ai détruite. Cet homme aimait ma mère, ils sont morts tous les deux, et leur histoire, je n’en suis pas la gardienne… 🙂
Comme d’habitude, un récit vivant et intéressant marquant d’une époque !
Cela m’a rappelé qu’une amie de ma mère (vers 1950) avait une longue écharpe en fourrure véritable de renard. On voyait la tête, les pattes et la queue !
Ça me foutait une de ces trouilles ! Je croyais que la bête allait remuer, et parfois quand l’amie bougeait ça en donnait l’impression ! (J’avais vers 5/6 ans…)
Oui, j’en ai vus pas mal aussi, de ces pauvres renards. J’en avais peur également, et je ne te dis pas notre gouvernante qui avait la peau entière d’un chat (on voyait la tête, les trous des yeux, les moustaches) pour ses rhumatismes!
Quelle (bonne) surprise de te retrouver par hasard dans la blogosphère !!! Et une pensée pour notre amie bloggeuse commune de Vincennes, Marie-Madeleine, que j’avais rencontré une fois chez elle.
Oui c’est vrai, je me souviens que toi aussi tu étais allé chez elle ! Je l’ai vue trois ou quatre fois. Bonjour Petit Belge ! 🙂
Le loup n’est plus là pour dire ce qu’il aurait préféré, mais ton récit n’est pas triste, Edmée ! Et il a le mérite de mettre ce loup à l’honneur ! 🙂
Bon après-midi, bises.
De fait, voici un beau loup noir dont on parle encore près de 100 ans après sa mort, c’est quand même un triomphe 🙂
Belle semaine, Françoise! Bises
Bonjour Edmée,
Pas de fourrures dans les placards de la famille. Elles étaient trop chères de toute façon. Mais, bien d’accord avec toi. Notre regard sur la nature a changé. L’idée d’imaginer la souffrance des animaux à qui l’on vole leur peau me fait frémir d’horreur.
Passe une bonne semaine Edmée.
Sur le balancier du temps on accepte puis s’horrifie des mêmes choses… Rien n’est fixe. Ceci dit, on ne peut pas mesurer tout le passé à l’aulne de la morale d’aujourd’hui, ça n’a aucun sens. Bobonne n’a sans doute jamais même imaginé le splendide animal auquel on avait volé la parure : ce fut un somptueux cadeau de l’époux, sans doute, qui proclamait au monde qu’elle était bien traitée … 😦