Si comme on le recommande souvent aux USA, je « count my blessings » (fais le compte de mes bénédictions), je n’en vois pas la fin, de ces bénédictions.
Je suis née dans le confort, de parents gentils et imparfaits, mais bons, raisonnables, aimants.
Je n’ai jamais manqué de rien d’essentiel, je n’ai connu aucune guerre telle qu’on la conçoit (certes… des périodes difficiles à cause des élucubrations mensongères des bandits qui gouvernent ici et ailleurs, je sais ce que c’est comme tout le monde, mais je les vis à l’abri). J’ai pu voyager, étudier, faire la plupart de mes choix en toute liberté (un peu parce que je ne suis pas très obéissante en général et un peu parce que, quoi qu’on en dise, je vis dans un coin du monde où on offre beaucoup de libertés).
J’ai connu un peu de faim, de précarité et de boulots franchement nuls, mais rien d’insurmontable, et j’avoue que je savais qu’il suffisait de demander à mes parents, ils m’auraient aidée. Je ne demandais pas et ai donc soupesé mes propres forces mais sans l’angoisse de devoir recourir à des « expédients indicibles » si les choses tournaient mal. On ne m’a jamais enlevée, menacée, arrachée aux miens pour les effacer de ma vie. Les violences que j’ai vécues, je les ai surmontées et en comparaison de ces pauvres êtres de tous sexes et âges qui sont broyés par des engrenages divers activés pas des monstres divers eux aussi, c’était peu de chose.
Ce sont des chances exceptionnelles.
Tant de gens n’ont évidemment rien demandé mais hélas sont nés dans les bombardements, massacres et viols, sans aucune garantie de lendemains qui chantent ou simplement se taisent au profit de gazouillis et ronronnements. Tant d’enfants jamais voulus ont dû grandir avec cette faute : tu as gâché ma vie, arrange-toi avec la tienne. Tant de vies humaines traitées comme de la marchandise : marchandise sexuelle, esclaves invisibles, banque d’organes, marchandise sacrificielle sur l’autel de la « science », d’un quelconque démon, d’une folie qui bave dans le noir jusqu’à avoir sa proie.
Plus « ce qui se passe ailleurs » monte à la surface et devient accessible, et plus on réalise que rendre grâce à Dieu ou à une bonne fée la marraine, ou à une étoile luisant de bonté pure n’est pas du mumbo jumbo, mais devrait faire partie de notre vie comme le réveil paresseux, l’appétit, les soins de peau et santé que l’on se procure avec amour.
J’ai eu la grande chance d’avoir mes parents longtemps, assez pour découvrir en eux la personne au-delà du parent ; j’ai des frères et sœurs fantastiques ; j’ai des amitiés loyales ; j’ai vécu ici et là (et puis là et ici) et ai compris ce qui se comprend dans ces circonstances ; je ne suis sujette ni à l’envie ni à la vénalité ni à la méchanceté (bon, j’ai été chipie parfois, et, pour alourdir mon cas, c’était même avec une joie un peu indécente, mais loin de la vraie méchanceté) ; je ne suis pas menteuse non plus (même si bien entendu j’ai dit quelques pieux mensonges au cours du chemin). Et n’ayant pas ces vilains défauts, j’en ai évité les tourments, je n’ai même pas dû lutter (c’est, à ce point, une chance de pendue, je dois peut-être le reconnaître !).
Très très reconnaissante envers mon destin, je ne peux le nier…
De là à dire que j’irai au ciel, si c’est pour finir à la droite de Jésus et prier tout le temps, je n’y tiens pas, et j’espère pour lui qu’Il n’a plus ce genre d’illusion à mon sujet.
À mon avis Il est assez subtil pour ne pas avoir cru plus que moi à ces sornettes…