Une atteinte à l’intelligence et au bon goût, ce n’est rien d’autre. Un lavage de « cerveau » avec du savon à l’arôme de rose (ne parlons pas de vraie rose, non, un arôme synthétique qui pique le nez et les yeux…), une purge en bonne et due forme de tout ce qui pourrait ressembler au romantisme délicat, au sens du bon récit, au charme des choses se déroulant sous un autre rythme lors de ce fameux solstice que l’on viole à coups de sonnailles et feux de cheminées.
Je parle, bien entendu, de ces pénibles téléfilms de Noël où on nous fait la leçon en nous demandant de tomber non pas en enfance mais en imbécilité. Pour certains il est vrai qu’ils y retombent sans cesse, voire qu’ils n’en sont jamais sortis…
On a toujours la brillante femme d’affaires, envoyée par Belzébuth and Co qui vient pour avoir à bas prix la peau d’un charmant petit village – Dummies Heights – que la wifi n’atteint pas, et séduit on ne sait comment le seul célibataire encore en âge de procréer, au torse en tablette de chocolat, riche et sentant bon la cannelle, revenu aux valeurs essentielles de la vie en se goinfrant de gingerbread et jingle bells, et qui fait définitivement sa conquête en aidant Evelyn, la vache, à véler malgré la tempête de neige ; ou c’est la jeune femme ayant quitté dix ans plus tôt le lieu de son enfance, havre de paix, pour les fastes et tueries de la grande ville qui revient au chevet d’une tante malade à Hollow Hollow et y retrouve, parmi les sapins de Noël, boules, cup cakes et rouleaux à pâtisiserie, son amour de jeunesse – lié, pour mettre un peu de piment, à la garce locale qui ne se laisse pas faire sans un âpre combat – devenu athlétique et très séduisant quand il mordille un brin de paille ou croque dans un des célèbres gâteaux mauves et roses de sa tante Pixie.
La leçon est évidente : l’argent ne fait pas le bonheur. Bien mal acquis ne profite jamais. Rien de tel qu’un amour et une chaumière. Ce qui compte se trouve dans l’amour des siens. Et le sapin, et l’eggnog, et les enfants qui chantent faux, et le gingerbread et le café de tante Pixie.
Je ne critique pas le message, mais la manière dont il est asséné. On en aurait la nausée. Et si on faisait « A Christmas in the country, le retour » ?
Ayant perdu son job prestigieux après être tombée amoureuse de la petite ville peinturlurée sous la neige et de son célibataire aux biscottos, la jeune Reneé (oui je sais… mais ça existe, Reneé !) est enfin devenue l’épouse du vétérinaire local, Bertie Biscottos, toujours impeccablement coiffé et musclé. Ses amies sont venues au mariage et personne n’a compris ce qu’elles disaient avec leur accent New Yorkais, elles ont donc fait tapisserie, et c’est assez bien comme ça car en dehors de Bertie, l’âge moyen des cavaliers variait entre 50 ans très usés par le grand air et 80 et quelques… Peu après la St Valentin, Bertie est redevenu ce qu’il était avant le chaos romantique de Noël : un vieux garçon coquet sentant la cannelle et le lifeboy, n’aimant que la tarte aux potirons et noix de maman, que Reneé n’est pas fichue de faire car elle refuse de pétrir la pâte avec ses ongles vernis (elle se fait envoyer le verni par sa very best friend Barbie, qui lui donne ainsi des nouvelles de Ken, son ex, lequel a eu une promotion et occupe un bureau au 15è étage avec vue sur l’Hudson…). Love Bundle, le veau, se promène partout avec un noeud de satin rose autour du cou et Reneé a protesté : Evelyn n’a pas de manières et crotte sur son petiot quand il tête, elle en a assez de laver et repasser le ruban nauséabond. Elle a pris goût au vin chaud qui lui fait oublier ses sous-vêtements de soldat dans la campagne de Russie et s’est habituée à rouler en pick-up truck pour se rendre à la ville voisine (5000 habitants, une métropole en comparaison de Dummies Heights) pour, en grimpant sur le réservoir d’eau près du terrain de foot, capter le réseau s’il n’y a pas de vent. Elle s’est abonnée à « Grandma kitchen’s secrets » et « Christian crosswords », et au catalogue de ventes par correspondance What the heck !
Et là… je n’en suis qu’à trois mois de vie de l’amour né sous les auspices de Noël de Reneé et Bertie.
Par ailleurs, les choses ne sont pas plus riantes pour Mary-Jane à Hollow Hollow. Elle aussi s’est mariée avec Ron, son amour d’enfance, et une des demoiselles d’honneur a été violée par le maire juste après l’échange des alliances, ce qui a fait qu’elle n’a pu rendre sa robe de location, déchirée. Elle collectionne les maux dentaires qui ont vite suivi les nombreuses parties de marshmallows cramés au feu de bois dans la cheminée si rustique. Le dentiste ne vient à Hollow Hollow qu’une fois par mois s’il ne neige pas. Ron l’aime et la respecte trop pour oser la profaner et connaître bibliquement, mais le hic est qu’elle doit dès lors confesser des pensées très impures au pasteur qui bave de plus en plus. Mais lors d’un jour à marquer d’une punaise, alors qu’elle suivait Ron (en bottes crottées et foulard anti blizzard noué sous le menton) pour découvrir sa réserve à brins de paille au cœur de l’hiver, elle l’a surpris grimpant dans le fenil pour s’y ébattre avec la garce locale qu’ainsi elle a pu observer jusqu’à constater que la garce est un gars. S’en ouvrant en pleurs à Tante Pixie, qui lui a aimablement servi une tasse de café et un gingerbread, elle s’est entendu répondre que son devoir d’épouse était de chrétiennement soutenir son mari et de ne pas lui retirer son amour. De remercier Dieu et tous ses anges d’être dispensée du devoir conjugal et de porter des enfants, tâches oh combien fatigantes et ingrates. Sur ce, la tante Pixie l’a encouragée à s’exercer à faire de jolis dessins avec le glaçage des gingerbreads à côté d’elle, lui offrant pour la distraire, de l’inscrire à la chorale de la paroisse.
J’ai tout saboté, vraiment ?
J’en suis ravie.
Wake up, people !