Agatha Christie a un jour écrit que l’enfant n’est lui-même que jusqu’à environ ses huit ans. Après quoi, il s’adapte, se plie, se conforme ou s’oppose à son décor de vie : sa famille, son environnement, son milieu et les étapes qu’on lui impose. Il ne disparaît pas complètement mais est caché, déguisé, rangé, prêt à ressortir des années plus tard quand enfin, l’âge de l’accomplissement lui permettra de redevenir lui-même sans craindre de conséquences. De revenir vers son enfance. Vers lui-même.
D’où ces vieilles dames au franc parler – si personne ne les a muselées -, qui savent si bien appeler un chat un chat ou ne pas tarir d’éloges car elles connaissent la valeur des choses. Qui font des confidences à leurs nièces ou petites-filles qui font pâlir les mères : quoi, elle ne vous a quand même pas raconté ça???? Et les vieux messieurs qui, s’ils n’ont pas été domptés et mis à la niche par la vie et une épouse cerbère (une main de braise dans un gant de fer…), conseillent à leur jeune descendance de profiter de leur vie, de ne pas se marier, de préférer la petite Machin un peu trop spontanée à la terne Mademoiselle Truc, très jolie, ennuyeuse et ectoplasmique.
Bien sûr, Agatha parlait des enfants de son univers, de sa société. La nôtre. Et je ne veux pas vous emmener dans le monde des enfants sans enfance, manipulés par les guerres et l’argent, non. Ou nés entre deux adultes haineux, le prisonnier et le geôlier enchainés au même boulet, qui se vengent de leur lâcheté contre qui ose avoir besoin d’eux. Je veux rester dans l’univers des petits corps aux grands éclats de rire, aux imaginations si riches qu’ils créent les sortilèges, aux chagrins dévastateurs qui se calment sur un cornet de glace.
Et je le sais, il y a des enfants venus d’autres cultures qui ont sans doute moins besoin de dompter leur moi intime. Là-bas, il reste bon de rire et de ne pas cacher son plaisir. On ne passe pas l’âge. La vie se comble peu à peu de responsabilités, mais le pétillement du regard entretient des cascades de joie ne demandant qu’à jaillir.
Il y a des enfances qui se prolongent comme une soirée d’été lorsque les ombres s’étirent au sol gorgé de soleil. Des enfances nourries de caresses et d’attentions, de jeux, de quotidiens confortables. Quelle que soit la notion de confort. De sécurité.
Ces enfants dont l’âme s’épanouit sans incertitudes inutiles seront des adultes généreux. Leur regard sera bel et bien le miroir de cette âme à ciel ouvert.
Et ces photos d’enfants sortent du regard de mon neveu, l’heureux John-Philippe Lonhienne. Nono pour moi.