Un écrin de mystère

Il y a plusieurs années, un homme m’a offert une bague. Oh, rien du genre « prends ô Bien Aimée cet anneau en gage de mon amour », non. C’était plus « Pfffff, une vieillerie oubliée dans le tiroir de ma grand-mère… tu la veux ? ». C’était une bague en or, ou supposée l’être, avec un diamant au centre et un saphir de chaque côté. Un de ces deux saphirs avait d’ailleurs pris la fuite. Ça trainait dans un joli petit écrin à incrustations de nacre, au fond d’un tiroir avec des chapelets, des cubes de bouillon oubliés et lyophilisés, des tickets de bus et d’autres choses abandonnées là pour le cas où elles pourraient servir dans l’éventualité où on les aurait cherchées et découvertes.

Puis récemment je l’ai retrouvée. Je ne l’avais jamais portée. Et je me suis dit Ma foi, ce petit bijou n’est pas si mal, je vais y faire sertir un nouveau saphir et me réjouir des rayons du soleil faisant étinceler les pierres sur mes vieux doigts. À la bijouterie, surprise. Les pierres sont en toc garanti, du toc vintage assez ancien (ce qui ne lui donne pas plus de valeur, que du contraire…). Par contre, autre surprise, la bague est du joli travail, du bel or, du beau tout. Étrange, du toc sur du beau. Je n’ai fait ni une ni deux, c’est un saphir en toc qui est venu compléter le joyau.

Mais le mystère devient passionnant car alors que je parlais à un ami de cet anneau, il a sursauté. La douce mère-grand à qui il appartenait – et que cet ami a connue dans son enfance – avait été la pétulante maîtresse d’un voleur notoire, qui dépouillait les dames de leurs tiares, colliers, boucles d’oreilles, bracelets, bagues, et anneaux de nez si quelque originale allait jusque-là. En 1920, je doute. Mais cette histoire est si rocambolesque que pourquoi pas ? Bref, il semblerait alors qu’il ait offert à sa belle l’anneau mais en ait vendu les pierres. Un livre sur la vie exaltante de cet Arsène Lupin lointain révèle que son butin était caché chez Mère-grand, qui n’a jamais dit où.

Après avoir mis au monde une fillette au caractère trop bien trempé pour la qualifier de gentille petiote, elle s’est mariée à un aimable amoureux qui a reconnu le fruit de ces amours torrides comme étant le sien. Mais quand le couple se disputait, l’aimable amoureux savait faire taire la femme de sa vie en la menaçant d’un Si tu continues, je vais chercher le livre. Le livre mentionné plus haut et qui racontait par le menu la vie édifiante du voleur de bijoux et de sa passionnée compagne.

Et c’est ainsi que je possède une bague volée à une gente dame ou une bégum locale puis offerte à une sacrée coquine, déshabillée de diams et saphirs pour être parée de pacotille, et que l’on m’a offerte plutôt que de la balancer avec le chapelet et les cubes Knorr séchés…

Publicité