Ecrit pour Pulp.com le 17 mai 2009
Les dimanches ensoleillés, tous les mâles du quartier s’arment de leur tondeuse et virevoltent sur leur pelouse dans un tintamarre d’essaim d’abeilles munies de micros. Roooooar, rooooar. Les oreilles couvertes (ils ne pensent pas à en distribuer aux oisifs comme moi qui eux, essayent de jouir de la nature avec un bon livre et l’humeur paresseuse…) et un masque sur le nez (allergie, allergie, dis-moi, suis-je bien celui qui est le plus allergique du quartier ? Aux noix, aux insectes, aux tiques, à l’herbe coupée, au pollen, aux noisettes, au gluten, aux crèmes solaires, à l’herbe pas coupée, au soleil, au papier wc, au…. ).
Seul avantage à ce triste vacarme, l’odeur de l’herbe, et la réconfortante sensation que je ne suis allergique à rien, malgré toutes les promesses qu’on m’avait faites en éternuant : vous allez voir, les étrangers deviennent aussi allergiques endéans les sept ans. Non, je suis ici depuis quatorze ans, et me contente d’un atchoum matinal qui fait partie de ma vie depuis que j’ai dix-sept ans.
La tâche bruyante enfin terminée, on passe à l’arrosage. Automatique, naturellement! Pendant des heures, même sous la pluie, même sous l’orage, le jet fait son bruit reptilien sans se lasser. Et puis hop ! Dedans, à l’abri de toutes ces choses allergènes, on ferme les fenêtres et on se rassure avec la climatisation. Même les nuits fraîches, pluvieuses, ou les nuits délicieuses où il fait si bon d’entendre les cigales en s’endormant sous la brise…
Nous, avec notre bonne santé odieuse, nous profitons du dimanche dans le jardin. Et on a la visite de Clara, la dinde. Clara est remarquable en ce sens qu’elle est une dinde sauvage, mais sa grand-mère Simone, que j’ai patiemment familiarisée en la gavant de graines de tournesol a dû lui transmettre un message : bonne bouffe, être bizarre mais pas méchant, vas-y ma p’tite ! Et Clara vient demander son écuelle de graines, et puis s’assied non loin de moi, se désaltérant parfois dans le petit ru.