Lentes métamorphoses

Ce qu’on est dans l’enfance, on le restera très probablement. Gai, coléreux, menteur, égoïste, caressant, loyal, courageux, froussard, arrogant, sportif, timide, paresseux, imaginatif, pessimiste. C’est ce qu’on est foncièrement. C’est ce qui fait dire, vingt ou trente ans après, tu n’as pas changé, tu ris toujours pour un rien, ou tu ne supportes toujours pas que l’on prête plus attention  à un autre, tu es resté aussi avare

Des traumatismes ou des révélations changeront parfois ces caractéristiques, mais si tout se déroule normalement, elles nous suivront. Elles nous définiront, apparaîtront même sur nos traits : les marques du rire autour des lèvres et des yeux ou la bouche serrée du refus de soi et les yeux qui ne parlent pas, les gestes vifs qui empoignent la vie ou les membres rassemblés en barricade. La démarche qui embrasse le vaste monde ou le pas avare qui ne veut pas aller trop loin. Parfois ces qualités ou défauts innés seront atténués ou ajustés, ou tout à fait libérés suivant ce que nous aurons trouvé sur la carte du menu de la vie.

Et en même temps, d’autres aspects de nous changent.

Ce qui était hésitant, frêle, ni chair ni poisson.

Ce qui nous venait de la fragilité de notre devenir adulte, de nos bouleversements enfantins.

Une fois la zone de sécurité entre nous et les parents et l’autorité en général établie et comprise, une nouvelle adaptation donne ses ailes au potentiel. Les doutes sur notre charme s’estomperont au profit d’une belle aisance professionnelle, et le garçon timide qui ne cherchait que la compagnie de filles un peu plus inquiètes encore peut enfin devenir un adulte épanoui et se tourner vers une femme vivante et sereine. Les airs de diva de l’adolescente qui veut tester l’attachement de ses victimes feront place à une douceur que l’on n’escomptait pas, pas même elle. Tout comme une déception profonde infligera sa marque : nous avons tous entendu parler de ces femmes qui ne se sont plus mariées après avoir perdu un grand amour, ou qui se sont mariées comme on va à l’abattoir, pour bien tourner la page.

Et c’est ainsi que, si on ne se tient pas la main bien serrée, un couple qui s’est formé dans les hésitations de la jeunesse peut découvrir un jour avec une sincère stupeur qu’ils n’ont pas évolué dans le même sens. Rien de mal n’est arrivé. On s’aimait, pourtant, et certainement on s’était instinctivement choisis en accord avec les lacunes et expectatives d’avenir en devenir. Mais la fille qui se cherchait un garçon sans surprises parce que son père s’en était allé courir le monde peut s’ennuyer de cette vie de métronome une fois qu’elle aura compris que le destin de sa mère n’était pas le sien. Le garçon qui était fier d’avoir décroché la fille la plus recherchée des bals d’école et fêtes se fatiguera peut-être de devoir sortir et sortir encore pour la voir étinceler de bonheur.

Ce n’est pas le mariage qui est la tombe de l’amour, c’est la réalité qui est la tombe des illusions sur soi en même temps que la guérison de bien des craintes de jeunesse.

Certaines lacunes se comblent, d’autres deviennent des abimes, et ce qu’on attendait de la vie à 20 ans n’est plus toujours ce qu’on en veut à 40 ou 50 ou 30.  On est surpris, une fois adultes et en plein dans la course de la vie, de constater parfois que ceux qu’on n’aurait pas considérés comme des conjoints possibles en début de parcours nous apportent aujourd’hui le confort de l’échange et de l’enrichissement, contrairement aux certitudes que nous avions crues indispensables.

Et on n’a pas échoué pour autant. On ne s’est pas vraiment trompés, surtout si on affronte l’évidence à deux. Parce que pendant les années où on se rassurait et se complétait, on a construit tout un petit univers : des enfants, des métiers, des amis, des idéaux, des souvenirs, des opinions. Et beaucoup de ces choses nous suivront encore, que l’on reste ensemble ou pas, parce que c’est un tissu que l’on a créé sur le métier à coups de navette dans le fil de trame pendant de longues années et qui les enveloppera toujours. On a changé, on a enfin compris ce qu’on ne pouvait comprendre au départ.  Et on ne peut pas s’en vouloir d’avoir non pas changé mais suivi les remous de la vie et d’en avoir tiré profit pour mieux la vivre, justement.

Parce que vivre est une mission.

Que la joie demeure….

45 réflexions sur “Lentes métamorphoses

  1. Coucou Edmée par ce matin encore bien gris ! Zut, pour le chemin des courses ! Bah, j’emporterais quand-même mon APN et on verra bien !!!
    Je ne sais trop quoi te dire sur ce que tu nous offres à lire aujourd’hui. Bien sûr c’est vrai il y a tous ces cas de figure, mais tu ne notes pas les gens qui on passé leur vie à ce perfectionner. On peut partir avec des handicaps, liés à notre potentiel de base ou à la mauvaise éducation reçue. On peut s’en rendre compte, et vouloir être meilleur ou plus apte à vivre en société pour ne pas en patir ! (°v°)
    Tu as raison, la vie à deux commencé trop jeune, peut révéler bien des surprises… Et pourtant… Certains cheminent depuis toujours main dans la main !!!… Ah la vie !!! Une sale blague, trop souvent !!!
    Bonne fin de semaine à toi avec mes meilleurs bisous !
    Florence

    • Edmée dit :

      Tu vois, ce commentaire était parti dans les « indésirables », le vilain!

      Oui, bien des gens cherchent à s’améliorer pour avoir une vie plus harmonieuse en société. Et leur personnalité profonde va aussi s’affirmer, comme l’ancien timide que je mentionnais qui peut s’affirmer en trouvant sa place. Mais nous changeons tous. J’ai connu un couple qui s’était marié jeune, c’était des Flamands d’Ostende, un peu plus jeunes que moi. Milieu rural, très catholique. Ils étaient bons copains mais chacun avait évolué différemment. Il rêvait de voyages sac au dos et elle adorait ne pas bouger et regarder la TV. Mais le divorce était, disaient-ils, hors de question car leurs familles ne leur aurait plus parlé!!!

      Ils ont fini par divorcer, très amicalement puisque c’est ce qu’ils voulaient tous les deux, et je n’ai pas demandé si les familles hurlent encore à la lune, en tout cas ils étaient heureux!!!

      Bisous!

  2. Edmée dit :

    Oui… Moi par contre je suis allée à l’abattoir 🙂

  3. Philosophie ou sagesse ? Soit, si je comprend bien: Afin que les choses deviennent enfin ce qu’elles doivent être, il faudrait vivre non pas seulement autrement mais deux fois plus….longtemps D’accord, moi je vais m’y efforcer !

  4. Tu as raison. Foin de philosophaillerie ! Parlons de choses sérieuses.

  5. celestine dit :

    Un billet encore une fois criant de vérité…
    Ce que tu dis des traits du visage me rappelle une phrase de je ne sais plus quel humoriste qui disait: « si on n’est pas responsable de la tête qu’on a, à partir d’un certain âge on est responsable de la gueule qu’on fait… » A méditer…

  6. Florence dit :

    Apparemment mon com n’est pas passé, ZUT ! J’en avais mis un long… !!! J’ai vu que celui de l’autre jour n’y est pas non plus ! Mais que fais-je ? cela a commcé avec Canal blog et maintenant chez toi ! Oui, zut, zut et rezut !
    Bisous malgré tout, car tu n’y es surement pour rien !
    Florence qui est toute dépitée !!!

    • Edmée dit :

      J’ai remarqué que certains de tes coms vont dans les « indésirables » où je les retrouver et libère… J’irai donc voir s’il y en a d’autres de toi! Pauvre Florence, zut et rezut 🙂

  7. Florence dit :

    Si, celui là est passé comme une lettre à la poste, mais il n’a rien à voir avec un com, puisqu’il ne traite pas du sujet ! Sur l’autre, le 1er que j’avais écrit, je disais entre autre, qu’il y avait aussi ceux qui passaient leur vie, ou tout au moins leur jeunesse à essayer d’améliorer leur caractère et certains y arrivaient et faisaient des adulte beaucoup plus agréables que les jeunes gens qu’ils avaient été !
    Je suis désolée pour le précédent, sur les camisoles, je ne me souviens plus de ce que je t’en disais !!!
    Bisous chère Edmée, bonne fin de semaine et à bientôt !
    Florence

    • Edmée dit :

      Oui, les défauts « légers » , de comportement, peuvent s’améliorer, comme l’envie de taper du pied, bouder etc… et ça fait des adultes plus reposants!

      Bisous chère Florence et à bientôt…

  8. Damien dit :

    Les grandes décisions se prennent quand on est trop jeunes. Un peu comme une route avec au début beaucoup de virages (n’y a t-il pas d’ailleurs pleins de carcasses sur les bas-côtés?) et une longue ligne droite en fin de parcours, qui donne le temps de se relaxer et de penser à ce que l’on voulait être, ce qu’on est devenu et ce que l’on veut encore être. Exister, c’est avoir toujours envie.
    Bon, ben voilà. 🙂

    • Edmée dit :

      Je suis bien d’accord. Maintenant, il est vrai aussi que c’est souvent à cause de ces grandes décisions qui nous sont arrachées trop vite par la tradition qu’on a des enfants et qu’on entreprend des choses un peu folles qui, plus tard, s »avèreront avoir été un point de départ intéressant.

      Le gros « hic » c’est que l’on refuse d’admettre que ce n’est pas parce qu’on a choisi des options qui ne nous conviennent plus que l’on doit persister et signer toute la vie durant… sous peine d’être un paria social.

      Bien dit: exister, c’est toujours avoir envie! 🙂

  9. SL dit :

    « Refaire sa vie » est une expression malheureuse que l’on utilise, je crois, trop souvent. On croit être capable de faire du passé table rase et de repartir vierge, sur des bases qui nous arrangent (sur le moment). Or, le passé demeure, il fait partie intégrante de notre être. A nous de l’intégrer, le digérer, d’en tirer profit, d’en désactiver les éléments perturbateurs. Nos choix anciens, même ratés à long terme, sont aussi notre richesse. Il suffit juste de « continuer sa vie » et non de la refaire. En fait, il y a quelque chose de très doux et d’épanouissant dans le fait de vieillir…

    • Edmée dit :

      Je crois que c’est Yves Montand qui a dit « on ne refait pas sa vie, on la continue »… et oui, vieillir est une richesse si on sait lire les leçons!

  10. mimidusud dit :

    Kikou Edmée,

    Bien bel écrit,je ne sais quoi te dire,à part que j’ai
    pris la bonne décision d’épouser mon homme 🙂
    par contre,j’ai beaucoup changé quand je l’ai connu,
    ma timidité,mon fort caractère et j’en passe 🙂 mais
    c’est en bien et je préfère 🙂 je te souhaite une
    belle et agréable soirée,bisous pluvieux de Mimi

    • Edmée dit :

      C’est tout beau, Mimi, d’avoir fait le bon choix et d’être encore bien ensemble aussi longtemps après!

      Gris et moche ici aussi! Mais la soirée sera bonne quand même…

      Bisous

  11. Oh comme ton article est juste et vrai! Personnellement, je retrouve dans l’adulte que je suis, l’enfant que j’étais. Mon caractère n’a pas beaucoup changé ; j’ai toujours les mêmes qualités, défauts et centres d’intérêt. Par contre, ma vision de la vie, de la famille, de l’amour, du travail, de l’amitié, de la politique a assez bien évolué entre mes 20 ans et mes 30 ans. Bon week-end Edmée!

    • Edmée dit :

      C’est bien ce qu’on appelle… la vie, non? Cette école incomparable… dont il faut savoir accepter les leçons…

      Bon week-end à toi aussi.

  12. massard dit :

    oui l’enfance nous révèle et nous façonne définitivement!

  13. Pâques dit :

    Je pense qu’il doit enfin assumer et quitter sa femme 🙂
    Ce billet m’inspire 🙂
    Une histoire en perspective !

  14. colo dit :

    Ton second paragraphe m’enchante: une merveille d’observation, de traduction des lignes et gestes du corps.
    Sinon je pense qu’aucun chemin n’est unique et qu’on peut à tout moment bifurquer, rebrousser chemin…même en restant avec la même personne. On n’est pas « obligé » de tout vivre ensemble !!! et ces expériences différentes enrichissent souvent « l’ensemble ».
    Excellent dimanche Edmée.

    • Edmée dit :

      Je trouve que c’est magnifique de rester avec la même personne… si on trouve encore non pas ce qu’on cherchait il y a vingt ans mais ce qu’on aime aujourd’hui. Certains jouissent d’un partenaire qui s’est aguerri, affermi, et aux changements duquel on s’est soi-même adapté avec nos propres modifications.

      Mais tu le sais… certains s’éloignent, s’éloignent, et sont perdus. Et se cramponnent à ce qu’ils ont cru, un jour, qu’ils seraient, se coupant à la fois du présent et de l’avenir.

      A toi aussi un tout bon dimanche!

      • colo dit :

        Oh, oui, bien sûr Edmée! je suis assez âgée pour avoir vu de tout…c’était juste une réflexion suite à tant d’histoires de couples où l’un essaye d’obliger l’autre à l’accompagner, à faire ce et ça avec lui/elle…ce qui entraîne inévitablement des conflits.
        Certains sont perdus, se perdent…oh que oui!

  15. Edmée dit :

    Tout faire ensemble, le meilleur moyen pour s’étouffer… 🙂

  16. Edmée dit :

    Un amour qui te fera rêver au clair de la lune et te renverra toujours, toujours, l’écho du tien. Il te chuchotera, au coeur des mélancolies… je t’ai aimée, je t’aime, jamais tu ne fus ni ne seras seule… ❤

  17. Vivre est une mission certes! et la vie est un chemin avec montées et descentes, virages et lignes droites

  18. annerenault dit :

    Je ne crois pas trop aux « choix » quand on est jeune, et même après. Je pense que la vie nous surprend à chaque instant et qu’on se dit « Ah ! oui, ça, ça me plaît » ou bien « Ah ! ça, non, je n’en veux pas ». La réalité est bien plus puissante que nos pauvres vouloirs, et, au mieux, nous arrivons à nous adapter à elle.

    • Edmée dit :

      On croit choisir… ou on choisit en pensant que, en croyant que… ! On réalise souvent, en regardant en arrière, qu’on aurait pu « choisir » autre chose. Pas toujours, ou alors les forces étaient inégalement réparties au moment du choix (par ex se marier avec Pierre que les parents apprécient ou Paul qui est un bon à rien notoire, ou se marier avec Pierre ou aller vivre avec des copines dans un autre ville…).

      Tu as raison, la réalité nous rattrape et il faut « faire avec » ou refaire d’autres choix. Mais les choix sont toujours limités et … onéreux 🙂

  19. Myosotis dit :

    C’est pour cela que je pense que la vie de couple réussie relève beaucoup de la chance. La chance d’évoluer dans le même sens et donc de toujours s’y retrouver 30 ans plus tard. Mais les choses auraient pu tout aussi bien évoluer dans un sens bien différent l’un de l’autre….

    • Edmée dit :

      Je crois aussi qu’il y a un facteur « chance », comme tu le dis on peut évoluer dans le même sens, avoir envie de ne pas perdre la connexion, chercher à s’intéresser suffisamment à ce que l’autre aime aussi et oser avoir ses espaces personnels. Chance et envie de nourrir son amour. Ou moins de chance et avoir cru, bêtement, que l’amour était inaltérable et se suffirait à lui seul.

      Ou le manque d’amour au départ, qui ne pardonne pas 😉

      Mais on le sait, va, que « l’homme » et toi… c’est encore aùmm aùmm!

  20. Edmée dit :

    Mais faites comme chez vous, cher Pierrot!

  21. jeanne dit :

    le temps passe vite
    oui non ?
    dans cette aventure de vie
    essayer de se tromper le moins possible
    de ne pas être aveugle
    être soi soie soit
    élager tant que faire se peut
    j’écris celà pour moi
    ne pas s’oublier ne pas oublier,
    et VIVRE !!

  22. Edmée dit :

    Enjoy a good and sunny Wednesday, Pierrot

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